« Le temps du conte et l'espace du conte doivent être condensés, soumis à haute pression de l'esprit et de la forme pour provoquer l'ouverture », disait Cortázar en 1963. L'ouverture ? Le pouvoir de suggestion, le mystère et l'ambiguïté, tout l'art de ce génial et étrange auteur argentin. Ses écrits, rassemblés par Gallimard dans une splendide anthologie, confirment cette ligne directrice : Cortázar n'a pas son pareil pour se jouer, en quelques lignes, du temps et de l'espace comme de son lecteur.

Quelque part entre Borges pour la créativité sans fin (il écrivit un temps dans « Los anales de Buenos Aires » la revue dirigée par ce dernier) et Lynch pour le côté halluciné et onirique, Cortázar évolue constamment en équilibre instable à la lisière du fantastique. Il nous mène par le fil de récits haletants, souvent troubles et toujours visuels vers des territoires inconnus où nos repères habituels (les règles classiques du récit) volent en éclat.

Ainsi, « La nuit face au ciel » ou « Les armes secrètes », purs chefs d'œuvre de tension dramatique, jouent sur la duplicité et la réincarnation d'un personnage à deux époques. Cortázar explore la part d'ombre de chacun et s'affranchit de la réalité en aventurier de l'imagination. Pas étonnant donc que le rêve soit devenu un de ses thèmes de prédilection et une terre de friche pour ses écrits. Adapté par les plus grands à l'écran, de Godard à Antonioni, l'écrivain à la clope au bec parvient inlassablement à créer une atmosphère déroutante en quelques touches impressionnistes ou judicieuses ellipses.
bilouaustria
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le 28 déc. 2010

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