Retour de lecture sur “On achève bien les chevaux” un premier roman, très noir et poignant, écrit par Horace McCoy et publié en 1935. Cet auteur a été victime de la grande dépression en 1929 qui lui a fait perdre son emploi de journaliste sportif, il a alors exercé différentes autres activités pour survivre, comme ouvrier saisonnier, serveur ou encore garde du corps. L’écroulement brutal du rêve américain dans les années 30 et les désillusions entraînées par cette crise seront une de ses thématiques principales et en feront un auteur considéré comme sulfureux. Ce livre a été plutôt mal accueilli à une époque où il ne fallait pas critiquer la machine à rêves hollywoodienne.
Dans ce roman relativement court et rapide à lire, il nous raconte l’histoire d’une rencontre entre Robert Syberten et Gloria Bettie, qui sont tous les deux à la recherche d’un rôle de figurant dans le Hollywood d’avant guerre. Désœuvrés et sans argent, ils décident de s'inscrire à un marathon de danse dans l'espoir de décrocher les 1 000 dollars de récompense et de se faire remarquer par un des producteurs formant le public quotidien de ces soirées. Il ne leur reste plus qu'à danser des semaines entières au rythme de l'orchestre et participer à ce qui peut s’apparenter à des jeux romains modernes ou encore à un ancêtre du maillon faible.
C’est écrit sous la forme originale d’un flash-back, Robert qui est le narrateur, raconte par quel enchaînement de circonstances les deux héros de ce roman ont été poussés jusqu’à un dénouement tragique qui explique le titre du roman. Horace McCoy en plus de nous montrer les ravages du modèle économique américain en profite également pour dénoncer le puritanisme de ce pays. Ces marathons de danse qui ont réellement existé et interdits en 1950, sont décrits très objectivement, sans fioritures ni parti pris. Il nous expose de manière très crue la détresse désespérante des participants, le voyeurisme des spectateurs et la cupidité abjecte des organisateurs.
Ce roman, par son thème, évoque inévitablement “Les raisins de la colère” de Steinbeck mais il m’a aussi beaucoup fait penser à Faulkner pour la dimension désespérée et tragique de ses personnages et peut être pour la moralité ambiguë du dénouement. Une histoire qui est connue surtout grâce au film réalisé par Sydney Pollak en 1969 avec Jane Fonda. Bien qu’étant très célèbre, cette adaptation peut néanmoins être considérée comme plutôt ratée et peu représentative du contenu du livre, sa mise en scène très “propre”, sa belle photo et ses travellings ne donnent pas une image très juste de ces situations qui sont d’une grande âpreté et d’une désespérance totale. Le roman est lui très dense, sombre et amer. Le style d’écriture est simple, minimaliste et factuel, avec peu de mots et essentiellement des dialogues. On est donc loin de l'écriture d’un Faulkner, qui est bien plus complexe, poétique, avec des phrases longues et sinueuses.
Cela se lit un peu comme un thriller, La dramaturgie est terrible, structuré sur la base de deux compteurs, on a ainsi en tête de chaque chapitre, le nombre d'heures écoulées depuis le début du concours et le nombre de couples qui restent encore en course. Il n’y a pas de surprise, on sait d’emblée que tout cela finira mal, mais on reste malgré tout accroché au parcours de ce couple maudit. C'est une histoire d’une tristesse inouïe mais l’auteur en a fait un roman très beau et particulièrement poignant.