C'est la musique qui est l'héroïne de ce magnifique roman, plus précisément le concerto pour violon "Opus 77" de Chostakovitch. Le roman est rythmé par ce concerto, il comprend cinq parties : Nocturne, Schenzo, Passacaille, Cadence et Burlesque.


Cette pièce de musique a cadencé la vie de la famille Claessens.


Dans cette famille, il y a le père dont on retrace ici sa vie. Tout commence le jour de son enterrement et sa fille Ariane s'apprête à entamer non pas "La marche funèbre" attendue au piano mais "Opus 77".


Ce chef illustre fut pianiste au départ, c'est comme ça qu'il rencontra à Tel Aviv, Yaël, sa femme , 17 ans plus jeune que lui, une soprano qu'il ramena en France et accompagnera longtemps avant de passer de l'autre côté du pupitre et de devenir un des plus grands chefs d'orchestre. De leur union naquirent deux enfants, David l'aîné de deux ans d'Ariane. David choisira le violon, Ariane le piano.
Une famille de musiciens mais pas toujours rose la vie à la maison !


Yaël perdra sa voix et deviendra dépressive alors que David et Ariane n'avaient toujours pas quitté l'enfance.


Pour ses 13 ans, Claessens emmènera son fils David à une vente aux enchères pour lui acquérir son violon, un Wuillaume de 1867 hors de prix, un très beau cadeau certes mais ce père froid, exigeant, distant et absent n'apportera pas l'essentiel à son fils, l'amour, l'écoute.


Un incident au Victoria Hall empêchera David de jouer "Opus 77" avec son père. David s'éloignera alors avec sa soeur Ariane comme accompagnatrice, c'est Krikorian qui le prendra sous son aile et l'inscrira au plus prestigieux concours au Monde, Le Reine Elisabeth de Bruxelles.


On sait depuis le début qu'un incident éclatera en finale mais lequel ?


C'est petit à petit, adagietto que l'on le découvrira.


On fait des aller-retours dans le temps, ce qui m'a un peu perturbée au début mais très vite l'écriture captive, elle est magnifique. La tension monte crescendo, molto crescendo, on ressent très fortement cette tension, un rythme de plus en plus intense, fortissimo qui nous fait ressentir la pression liée aux concours d'excellence.


La solitude, la pression pour un final époustouflant.


C'est le lien frère et soeur, cet amour pour la musique qui les projettera tous les deux sur le devant de la scène. La relation difficile au père est mise en avant ainsi que la difficulté et la beauté du plus beau concours musical au monde.


A lire, c'est splendide.


Ce roman fut finaliste dans le cadre du Prix Femina 2019


Ma note : 9/10


Les jolies phrases


La haine n'empêche pas la soumission bien au contraire.


Le violoniste et son violon sont censés ne faire qu'un, et le prestige de l'un déteint assurément sur l'autre. A tel point que l'on se demande parfois si ce n'est pas l'instrument qui fait le champion.


Le piano, c'est ma vie. Si je ne joue pas, je me désaccorde, je deviens cacophonie.


Rebâtir ? ... La confiance, bien sûr. En musique comme dans la vie, on ne peut s'en passer. C'est comme jouer en sourdine. Sans confiance, comprenez-vous, impossible de se faire entendre.


Dans la vie, il faut profiter du moindre atome d'oxygène, du moindre pouce de liberté, du moindre centimètre d'archet. C'est la leçon du jour.


La main est un drôle d'animal. Elle prend, touche, pince, caresse ou frappe. Elle appuie sur la partie du corps qui fait mal - ventre, poitrine, tête. Elle ausculte, elle apaise. C'est elle aussi qui serre la main de l'autre, perçoit sa chaleur ou sa nervosité. Une porte vers le monde extérieur, voilà ce qu'est la main. C'est elle encore qui vient se poser sur l'être aimé, l'homme, la femme, l'enfant. La solitude absolue est celle du toucher. Vous aurez beau jouir d'une vie sociale et professionnelle frénétique, si vous ne touchez jamais personne alors vous serez plus seul qu'une pierre. Et les pianistes, alors ? Pour eux, c'est encore pire. C'est une question de vie ou de mort. La main est leur unique moyen d'expression. La courroie de transmission qui permet d'exprimer sa sensibilité, ses sentiments, son trop-plein ou son vide abyssal, tout ce qui se passe à l'intérieur. Quand la main du pianiste est en souffrance, alors c'est le monde entier qu'il faut repeindre en noir.


Vous me suivez toujours, n'est-ce-pas ? - moi je n'y peux rien si le Reine Elisabeth est aux musiciens classiques ce que le décathlon est aux dieux du stade : une compétition de force et d'endurance où chaque note, chaque démanché, chaque coup d'archet peut vous faire trébucher.


La p 119 est magnifique lien entre le musicien et son instrument


https://nathavh49.blogspot.com/2019/12/opus-77-alexis-ragougneau.html

NATHAVH
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le 15 déc. 2019

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