Il n'est jamais facile de juger un récit autobiographique, de jauger le texte en faisant abstraction de la réalité de l'auteur, mais s'il est une chose qu'Orange is the New Black illustre, littérairement parlant, c'est que l'expérience ne fait pas automatiquement l'écrivain, tant le livre manque de structure, de ligne directive, d'une narration solide qui aurait permis une montée en puissance, ou tout au moins un sentiment de conclusion.
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Lire Orange is the New Black après avoir vu la série lui fait forcément du tort, tant le show est porté avant tout par son écriture magistrale. Les limites de la non-fiction apparaissent très vite ici : tout d'abord, nous sommes privés du point de vue des autres personnages, tous n'étant perçus que par Piper. Ensuite les enjeux dramatiques sont presque inexistants, Kerman écrivant de chez elle, bien après la fin de sa sentence, et ce que la prison lui a coûté (ou non) est connu d'entrée de jeu (et si certains passages sont terrifiants en soi, ils n'ont pas vraiment d'impact émotionnel, sachant le "personnage" toujours hors de danger). Enfin parce que loin du personnage malhabile, imparfait et finalement, très réaliste de la série, Piper Kerman ne semble pas vraiment changer ou se remettre en question, confrontée à elle-même dans la prison. C'est le cas, et si sa culpabilité apparaît par petites touches (notamment lorsqu'elle réalise de quelle façon la drogue qu'elle trafique démolit la vie de ceux qui la consomment), on sent que ce travail était abouti avant de prendre la plume, et il passe de fait moins bien dans les pages. De plus Kerman fait si attention à se dépeindre comme humble et égalitariste que paradoxalement elle semble plus d'une fois condescendante envers le communautarisme de ses codétenues, occultant parfois le fait qu'on ne peut pas aborder de la même façon une sentence de 15 mois et de 15 ans. Reste que ses efforts, même un peu trop conscients, pour être une "bonne personne" permettent tout de même une empathie sans faille pour l'auteur.
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Mais l'expérience de Piper Kerman, jeune femme de bonne famille, blanche, aisée, et condamnée sur une sentence courte ne saurait être universalisable, et ce qu'elle rapporte de l'expérience des autres femmes n'aura jamais autant d'impact que si ces autres femmes avaient pu elles aussi être leur propre narrateur. De sorte qu'entre les autres personnages et points de vue offerts par la série, une fois n'est pas coutume : beaucoup, beaucoup plus de choses, émotions mais aussi messages, passent par le biais de la fiction.
(Critique complète sur http://letagere.online.fr/critiques-livre.php?id=116)