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Dans un recueil de neuf nouvelles paru en 2004, Passer l’hiver, Olivier Adam nous emporte une fois de plus dans son univers, dans un genre qui ne lui est pas habituel. Ce n’est pas pour autant qu’il n’y excelle pas. Encore une fois il arrive à nous emporter ailleurs grâce à son écriture mais aussi à son talent de nouvelliste.
Neuf nouvelles donc. Neuf personnages usés par la vie. Tous au bord de l’abîme. Ils y pensent, tous. Certains l’assument : « j’ai croisé un semi-remorque, ses phares m’ont aveuglée, j’ai fait un écart et trois secondes ça m’a traversé le crâne, je ne peux pas le nier, ça m’est venu au cerveau, l’idée du platane » (Nouvel An). D’autres se réfugient dans l’alcool. Le pétard et la cigarette aident momentanément à tenir tout en exprimant une souffrance.
La fin d’un couple, la mort d’un proche, la fatigue de vivre, sa difficulté aussi, l’inadaptation au monde, la solitude… Ce sont autant de raisons qui les poussent aussi loin dans la tristesse. Alors ils s’anesthésient, sont amorphes, ne font plus rien et n’ont plus envie de rien faire.
Mais qui sont-ils ces hommes et ces femmes dont la situation et l’état mental nous prennent à la gorge ? Infirmière, père de famille, employée de bureau ou chauffeur de taxi, on les croise tous les jours. Dans la rue, au travail, à côté de chez soi. Ils sont entourés, mais comme des ombres sont entourées : le soutien n’est que rarement là, et il est dur de se raccrocher à quelque chose quand « [on se sent] vide » (Cendres), ou « mort » (A l’usure). Quelquefois cependant, comme dans Bouche Cousue ou Pialat est mort, la personne aimée est là et apporte son aide. « La tendresse [les] tient » (Bouche Cousue).
Et puis certains personnages se battent, résistent à ce vague à l’âme qui les perd petit à petit. L’hiver est difficile. La période des fêtes une horreur pour les personnes seules et/ou malheureuses. Le climat difficile pour la positivité. L’hiver peut-être aussi cette période de no man’s land qu’ils traversent plus ou moins. Abandonné ou non, ils se sentent seul ces personnages en détresse.
Derrière tout cela, il y a bien sûr l’écriture d’Olivier Adam. Grâce à elle, il arrive à poser une ambiance dès la première phrase : « J’avais trop bu et Pialat était mort » (Pialat est mort), « – Je me sens vide. Tout le temps je pense à ça. Ce vide à l’intérieur… » (Cendres), « Je gelais malgré le gros pull que j’avais enfilé, j’ai allumé une Lucky, j’ai aspiré en fermant les yeux » (Nouvel an), « En pleine nuit, la lumière blanche, c’était plus froid et cru que jamais »(Lacanau). D’autres fois, il s’agit d’un paragraphe tout entier. D’autres fois encore nous sommes propulsés directement dans le point de vue des personnages terriblement humains, au bord de la crise. Pas plus fragiles que d’autres, seulement fragilisés au maximum par la vie, par les autres. Le rythme d’Olivier Adam, qu’il n’hésite pas à briser ou à intensifier pour laisser surgir l’émotion, son style plein d’élégance, précis, et la douceur qui se dégage de son écriture donnent aux récits une force édifiante. Au milieu de ces petits moments terribles de vie, c’est un auteur contemporain qui s’affirme et s’affiche (le recueil a reçu par la suite le prix Goncourt de la nouvelle la même année de sa parution).