J'ai acheté Pastoral Américaine par hasard, un jour où je flânais dans les rayons de l'espace culturel du E. Leclerc de ma ville, je ne cherchais rien en particulier et j'avais la flemme de réellement chercher donc je me suis contentée de regarder les premières de couverture mises en avant sur les étagères par les employés de la boutique. En fouillant des yeux, je suis tombée sur la couverture de Pastorale Américaine et c'est en lisant le titre que je me suis rappelée d'une chose : ce livre avait été noté et critiqué très positivement par un membre de SensCritique et ça avait attisé ma curiosité. Puisque j'avais le bouquin sous les yeux, une envie irrépressible de dépenser mon argent dans des livres, je l'ai acheté. C'est ainsi que Pastorale Américaine a rejoint les autres livres dans ma bibliothèque.
Je dois avouer que cet achat a été motivé par la mention du personnage Merry, décrite comme une fille rebelle dans un contexte familial caractérisé « d'enclos idyllique ». Pas tant la mention de ce type de personnage, plutôt l'opposition qui est faite entre la génération du père et celle de la fille qui démontre aussi deux visions de l'Amérique aux antipodes. Dans le résumé, on sent que cette opposition est très forte, explosive, que c'est le moteur de ce roman et j'étais curieuse de savoir le pourquoi du comment et comment, d'ailleurs, la rebelle-attitude de Merry allait se manifester, puis également voir la réaction du père.
Pas de doute, la quatrième de couverture tient ses promesses. Au fil des pages j'ai retrouvé l'ambiance qui se dégageait déjà des trois paragraphes de mise en bouche. Mieux ! Je ne pensais pas que la formulation « à feu et à sang » allait déboucher sur la situation qu'est celle de Merry, situation que je n'avais pas imaginé et que j'ai eu du mal à accepter car je n'étais pas préparée psychologiquement à la violence du geste ainsi qu'à ce qu'il implique, j'ai eu du mal à y croire. Oui, vraiment. C'est assez bizarre de vouloir nier à tout pris le comportement d'un personnage, je vous l'accorde, et pourtant ! Ça m'a d'autant plus sidérée qu'au départ, j'avais acheté ce bouquin avec la ferme intention de prendre la défense de Merry la rebelle alors je vous laisse imagier le choc qu'il y a fallu que je réajuste ma position.
D'ailleurs, c'est parfois le genre de surprise que l'on déteste, quand on se persuade par le biais de la quatrième de couverture qu'un scénario particulier va se jouer alors que le contenu du livre diffère du scénario initial imaginé par le lecteur. Quand un livre projette certaines images par son résumé, il peut être décevant de ne pas retrouver ses dîtes images à la lecture. Ici, mon scénario anticipé a été ébranlé, certes, cependant pour le meilleur, avec des idées surprenantes, un traitement des personnages et de l'intrigue très bien tenu. Je me suis sentie happée par ce roman qui, je m'en doutais, allait me dépasser sans que toutefois j'imagine que ce soit à ce point-là.
Philip Roth dresse des portraits absolument remarquables de ses personnages. On assiste à leur évolution aussi bien au cours de leur vie que dans leur tête. Des passages parfois très longs qui finalement servent bien les personnages, qui décrivent leur chute, puisque chute il y a. On les aime, on les déteste, on déteste les personnages que d'autres personnage détestent, bref. Il y a une immersion totale qui vous prend et vous secoue au point d'en être aussi beau qu'effrayant. Pour revenir sur les longueurs, on finit par s'en délecter à force de vouloir à tout prie pénétrer plus loin dans ces personnages qui ne cessent de nous surprendre à mesure que leur pensées et ressenti sont dévoilés
Les personnages qui m'ont le plus secoué sont certainement celui de Seymour Levov (dit « le Suédois », celui de sa femme et celui de sa fille. Ces trois personnages sont trois incarnations différentes de la chute, du déclin. On les comprend sans jamais vraiment les comprendre, ils restent insaisissables, extrêmement complexes, ce qui ajoute indéniablement à la qualité du roman. On s'identifie et pourtant on met sciemment une barrière entre eux et soi puis à force de chercher à les comprendre, à être témoin de leurs tourments collectifs comme individuels, un lien se créer, on croit pouvoir les saisir avant que la page suivante nous détrompe. Rien n'est stable et c'est exactement ce que je recherche dans un roman, au niveau des personnages. Ça faisait longtemps que je n'avais pas lu un roman avec des personnages aussi éclatés.
Ce qui m'a aussi saisi dans ce roman, ce sont les questions qu'ils posent : le fossé générationnel, le regard qu'on porte sur les gens qu'on aime quand ils font des choses horribles, les différentes interprétations que l'on peut faire d'un même événement, la recherche d'identité à tout âge, la fragilité de l’œuvre de sa vie, le regard d'autrui, le déni, le terrorisme de ses diverses interprétations ou justifications, la protection ou non d'une personne coupable. Toutes ces questions encore une fois liée à la complexité des personnages. Des questions auxquelles des semblants de réponses sont apportés, des points de vue différents sur ces problématiques plus que de véritables réponses car quand on referme le roman, on se retrouve hébété et on ne sait pas, on a l'impression de ne plus rien savoir.
Ces réponses sous formes de non-réponses m'ont vaguement laissé un goût amer quand j'ai fini par lire la dernière ligne. J'avais un goût d'inachevé, je voulais plus de réponses bizarres alambiquées, j'avais besoin de savoir. Mais savoir quoi ? Il n'y a ni happy-ending ni fin malheureuse. Il y a la vie des personnages qui suit son court, c'est tout, et c'est d'autant plus fort. De ce fait, mon amertume s'est très vite dissipée, d'autant plus lorsque j'ai compris que la suite de la vie de certains persos, je la savais déjà puisque l'auteur, par un procédé narratif auquel je n'avais jusque là pas été confronté, avait ponctué tout son roman de ces détails précieux qui semblaient me manquer. C'est en y réfléchissant ensuite, dans mon lit, en position fœtale, que je me suis rendu compte de ça et que j'ai trouvé le procédé très habile. L'impression que j'ai eu, c'est que tout avait été mis en place pour qu'à la fin on se dise un truc du genre « Alors ainsi va leur vie » et d'en être affligé car il y avait du bon et du mauvais, vraiment mauvais, et que c'est ça, la vie de ses personnages, et que ce fait n'est pas modifiable. On en est intimement convaincue, ils sont englués dans cette toile.
Je vais conclure maintenant en disant ceci : il a été très difficile d'écrire cet article car ce roman m'a tant impressionné que je ne me jugeais clairement pas digne d'émettre une opinion. Malgré tout, je ne pouvais pas ne pas écrire quelque chose car c'est le type de roman que je recherche parce qu'il marque les esprits, qu'il fait réfléchir, qu'il nous laisse spectateur impuissant, qu'il nous secoue par les épaules en disant « tu ne peux rien faire pour ces personnages ! C'est leur sort ! Leur destin ! Leur histoire ! Il devait en être ainsi ! » et woah ! Ça laisse c'est le genre de lecture qui laisse des traces. Le roman est long, j'étais souvent partagé entre l'envie de poursuivre ma lecture et faire une longue pose, parce que partagé entre l'envie d'en apprendre toujours d'avantage, de comprendre et de ne pas vouloir être la voyeuse de leurs péripéties.
NOW___LOVATIC
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le 22 févr. 2017

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