La vertueuse nature VS la société pourrie

Roman relativement court, il est aussi très simple dans sa morale que nous pourrions résumer en une phrase : l'humain est naturellement bon, c'est la société qui le corrompt. Quand on sait que Bernardin de Saint-Pierre fut un disciple de Jean-Jacques Rousseau, on comprend immédiatement mieux cette influence sur son oeuvre. Les personnages sont tous des héros magnifiques, ils sont dotés d'extraordinaires qualités morales - surtout la jeune Virginie qui est un modèle de pureté et de pudeur comme on pourra le constater à la fin de l'histoire - et vivent vertueusement de leur travail en sachant se montrer bon envers les blancs et les noirs (esclaves évidemment, faut pas pousser), les deux jeunes gens sont beaux - encore une fois, surtout Virginie - et de par sa naissance, la jeune fille peut même espérer accéder à une certaine position dans la société. Et c'est là tout l'enjeu de cet ouvrage : tant que nos jeunes héros vivaient en harmonie avec la nature, ils étaient en harmonie avec la morale et Dieu. Au moment où Virginie est appelée à la métropole pour qu'une grande-tante fasse sa fortune et son éducation, le récit bascule et le message est totalement explicite : cette recherche d'une éducation, d'une place dans la société et d'une fortune perdra toute la famille.


Toute cette histoire est terriblement pathétique, et doit sans doute le paraître plus encore à des lecteurs contemporains quand on connaît le dénouement


où la vertueuse Virginie préfère mourir plutôt que de se déshabiller pour plonger à la mer pour se sauver d'un naufrage, privilégiant la pudeur à la vie. Dans ces moments-là, si nous êtes nés comme moi à la fin du XXe siècle, voir au XXIe, vous vous dites : WTF ?!


Mais il faut se rappeler que dans le contexte de l'époque, la vertu est une qualité morale hautement prescrite et suivie (en apparence). De nombreux romans de l'époque vont l'éloge d'un tel comportement, et on ne peut pas s'étonner de trouver une héroïne si parfaite faire ce type de choix.


Je dois avouer que cette morale, pas très partagée désormais il faut bien l'avouer, m'a plutôt refroidie à la fin du roman. Les tirades pour l'expliciter sont longues et lyriques, et c'est parfois ennuyant pour un lecteur de nos jours, mais certains passages peuvent nous toucher plus que d'autres selon nos sensibilités, donc je ne dis pas qu'il ne faut pas le lire non plus. Mais j'ai tout de même beaucoup aimé le côté utopique de l'oeuvre, l'île presque sauvage est un havre de paix où les personnages vivent heureux. Bien qu’illettrés et travaillant toute la journée pour leur subsistance, cela semble les combler de joie, le cadre paraît idyllique. Pour ma part, j'ai trouvé cela beau mais terriblement naïf, et je suis aussi finalement plutôt déçue du discours qui est tenu sur les lettres et les sciences, qui seraient elles aussi néfastes pour le genre humain alors même qu'il me semble au contraire que nous y aspirons d'une manière naturelle. A débattre donc, n'hésitez pas, le récit est court et le message totalement explicité, il serait tatoué sur le front de Paul et Virginie que ça serait aussi évident.

Cosma
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le 11 déc. 2016

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