Christian,

Je viens d'achever ma lecture de Pierre, et les larmes me montent aux yeux. Bobin est un poète et on le voit de plus en plus au fil du livre : quand il est dans le train, tout se poétise ; quand il attend, rien que cinq minutes, devant la porte du peintre, le temps s'étire et devient, lui aussi, poétique. Tout est poésie sauf ce qui s'y oppose fondamentalement, tout ce qui, selon Bobin, n'est pas littérature, peinture, Dieu, nature ; mais l'on comprend très vite que tout ou presque est littérature, peinture, Dieu, nature.

Pierre Soulages est moins le sujet de ce livre que l'amitié qui l'unit avec l'écrivain, que la beauté des choses, la beauté simple et évidente et que Bobin, prenant son rôle de poète très à cœur, s'attache à nous faire découvrir ou redécouvrir.

C'est court, mais ça n'empêche pas à ce livre d'être d'une grande puissance, peut-être plus encore que Le Très-Bas, à peu près au niveau de La plus que vive.

Je ne me sentais pas très bien avant la lecture de ce livre. Ce n'est pas que ça va mieux, pas du tout. Mais je me sens différent, nourri d'un nouvel ouvrage venant s'ajouter à tous les autres, prenant sa place dans le rang, dans l'amoncellement de beautés que j'ai déjà découvertes -- et je suis prêt à accueillir de nouvelles œuvres.

"Et si on ouvrait un livre avec l'espoir non conscient de mourir de joie ?"