J'ai lu ce livre il y a déjà un an. C'était censé être un bouquin de vacances et vu le thème "ultra-geek", je m'étais dit qu'il me plairait. Mais je n'en attendais pas grand-chose, plus un pur divertissement que de la vraiment bonne SF.
J'avais tort.
Je ne m'en suis pas aperçu tout de suite. Les cinquante premières pages m'ont particulièrement énervées. L'auteur y multiplie les références à des oeuvres vidéoludiques du début des années 80, références tout à fait cryptiques pour ceux qui ont eu le malheur d'être nés dix ans après et donc de ne pas les avoir connues. Et quand je dis "multiplie", c'est des pages entières sur ça.
Mais la bascule se produisit vers la fin du premier tiers du bouquin. Sans que j'y prenne garde, je me suis trouvé happé par cette espèce de chasse au trésor vidéoludique saugrenue, comme dans un bon bouquin d'aventures qu'on ne peut pas lâcher. Certes, l'auteur se fait plaisir en étalant sa science vidéoludique; mais finalement, tout gamer arrive à comprendre de quoi on parle et partage l'enthousiasme de l'auteur. Passé une longue introduction, le rythme du livre ne faiblit quasiment plus et on se prend d'empathie pour les personnages, même quand ceux-ci, paradoxalement, ne s'expriment dans le livre que par l'intermédiaire d'avatars (des personnages créés par des personnages, donc, générant une intéressante mise en abyme).
Il y a plus que ce simple aspect "aventure de jeux vidéos". J'ai cru au départ que la description initiale d'un monde dystopique n'était qu'un prétexte pour exposer l'environnement principal du livre, à savoir l'OASIS, une espèce de MMORPG géant (qui englobe d'ailleurs Azeroth) croisé avec Second Life. J'avais tort. Dès la fin du premier tiers du livre, le monde réel et le monde virtuel de l'OASIS commencent à s'emboîter pour ne former plus qu'une continuité.
Et, à ma surprise, le livre s'est mis à raconter des choses sur notre monde. Comme toute bonne SF, donc. Parcequ'à côté de "l'aventure vidéoludique" est dépeint un monde sombre et malgré tout crédible, et surtout passablement inquiétant quand il nous parle de notre rapport aux technologies ou des inégalités économiques (cf. le passage glaçant de l'arrestation pour dettes). Ajoutez à ça une belle réflexion sur l'identité à travers le personnage de Aech et vous obtenez malgré tout une belle oeuvre de SF au sens noble du terme.
Bien sûr, le roman n'est pas exempt de défaut: certaines maladresses stylistiques nous rappellent qu'il s'agit là d'un premier roman et le "message" de la fin est un petit trop moralisateur voire manichéen à mon goût. Mais l'auteur est parvenu à me communiquer son enthousiasme. Ce n'est pas si fréquent.