Un essai qui traite une question importante mais avec naïveté

Sujet qui méritait d'être traité (enfin ça m'intéresse du moins) : dans un monde violent (rythme de travail ; oppressions multiples, etc.), il faut bien trouver des techniques de soi (c'est moi qui reprends l'expression de Foucault parce que je la trouve pratique) pour se réparer. Mais souvent ces techniques sont porteuses d'un discours qui dépolitise le problème : le yoga, la méditation, etc. apparaissent comme des nouveaux outils de mise au pas des travailleurs•ses, des outils qui nous font "faire avec", qui nous adaptent, qui nous rendent "résilient•e•s".

Est-ce que le yoga et la méditation ne nous éloigneraient pas de la vraie réponse à donner à ce monde violent : la lutte ?

Pour Camille Teste, lutte et soin de soi doivent aller main dans la main. En la lisant, on comprend qu'on pourrait considérer ces techniques de soi comme des techniques neutres qu'il s'agirait de politiser dans le sens de nos luttes. Problème connexe soulevé par son essai : le burnout militant. En souffrance au travail, en souffrance à cause du sexisme, du racisme, etc., faut-il en plus souffrir du militantisme qui peut être un engagement éreintant ?

Malheureusement, les chapitres de solutions possibles sont moins construits et se limitent à égrainer des exemples peu convaincants. Camille Teste présente des initiatives de professionnels•les LGBT-friendly, anti-racistes, anti-grossophobie etc. sans poser de façon centrale et systématique la question des coûts et du temps : combien coûte une séance de danse féministe qui permet de se réapproprier son corps ? Combien coûte un stage dans la nature pour éduquer son lien avec le vivant ? Qui a le temps de faire une retraite de méditation qui dure plusieurs jours ? (Un exemple donné par l'essai, mais sans précision, est celui d'une "coach féministe" que je ne nommerais pas. Je suis allée regarder du coup : 300€ la retraite d'un weekend consacré à la créativité. C'est peut-être le prix juste ; mais il faut bien avouer que ce n'est pas à la portée de tout le monde.)

Ici comme dans d'autres essais ou textes d'intervention, on parle d'un "nous" qui n'est jamais défini, mais derrière lequel on devine une certaine classe qu'on ne sait jamais vraiment nommer (la bourgeoisie ? la bourgeoisie intellectuelle ? les classes moyennes ? à vous de voir…)

Le bouquin reste à écrire : comment on forme les professionnels•les pour qu'iels soient inclusifs•ves certes, mais aussi comment on socialise les coûts, comment on réorganise la société pour que des gens qui n'ont jamais le temps de prendre soin d'elleux puissent le faire, comment on démocratise l'idée même du soin, etc.

LLYP
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le 8 mai 2023

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