Procédure d'évacuation immédiate des musées fantômes par Hard_Cover

Procédure d'évacuation immédiate des musées fantômes est un roman écrit en 1987, soit plutôt dans les débuts de la prolifique carrière de Serge Brussolo.

Première partie : le DESTROY.

Brussolo fait, dans ce roman, du pur Brussolo. On y trouve l'évocation d'une monde à la dérive – qui est ici notre propre monde et même Paris –, une ambiance angoissante, la description de comportements humains étranges adaptés aux conditions particulières qu'il imagine.
Ici, la France subit les conséquences d'une guerre nucléaire. La principale, outre le fait qu'une partie de Paris ,et notamment les Buttes Chaumont, soit vitrifiée, est le manque de sources d'énergie. Heureusement, le projet DESTROY – pour Département d'Études Stratégiques de Théurgie Récupératoire des Ondes Y – a été sorti des cartons. Son objectif : récupérer les ondes Y présentent dans chaque objet lors de sa destruction. Or, les ondes Y, le mana, l'âme des objets est une source d'énergie phénoménale. À priori, la France est tirée d'affaire.
Oui, mais nous sommes dans un roman de Brussolo. On connaît le goût de cet auteur pour la perversion de toute idée qu'il est capable de créer. L'alimentation en énergie par les ondes Y va donc évidemment apparaître comme une solution qui ne va créer que des problèmes, et non des moindres, surtout lorsqu'on en vient à diversifier les sources de cette énergie morbide... Car naturellement, si on peut récupérer l'âme d'un objet à sa destruction, on peut aussi récupérer l'âme d'un homme à la sienne – à sa mort ! Et là, on parle alors d'énergie fantôme...

PEIMF dispose de deux personnages principaux. Le premier est Georges, vieux médium capable de réparer les machines par simple imposition des mains, du moins depuis qu'elles sont alimentées par l'énergie fantôme. Georges est un héros brussolien, ce qui le rend évidemment sensible à tout ce qu'il y a de pire dans cet univers fantasmagorique – et surtout gore – imaginé par l'auteur. Puisque tout objet électrique se retrouve envahi d'une énergie fantôme, être un médium n'est pas de tout repos. Notamment parce que Georges en vient à deviner les intentions du DESTROY, ce qu'il cache à la population, la véritable origine de l'énergie, et qu'il va être tenté de la mettre à jour.
Le deuxième personnage est Sarah. C'est une femme, donc. Et y a-t-il pire condition que celle d'héroïne d'une roman de Serge Brussolo ? Telle la Sarah de Boulevard des banquises ou la Jeanne de Docteur squelette, Sarah va en voir de toutes les couleurs. Elle a un lourd passif, comme le découvrira le lecteur, d'horreurs vécues pendant la guerre mais heureusement oubliées. Son avenir est moribond, plongée comme elle l'est dans les méandres d'un projet fou échappant à ses dirigeants. Car Sarah est une destroyeuse, chargée de piéger les appartements de ses concitoyens pour que des accidents, sources d'énergie, surviennent. Elle est sous couverture, officiellement commerçante de tortues porte-bonheur. Elle devra, comme Georges, affronter les dangers de ce Paris post-apocalyptique – marche aussi sans le « post » – et survivre à la folie qui ronge petit à petit les habitants de la capitale.

Deuxième partie : l'IN-migration.

PEIMF est sans doute un des plus épais roman de Brussolo (288 pages écrites en petit). Il se divise en deux parties. La première décrit donc le projet DESTROY. Le second développe l'idée du service d'IN-migration, chargé d'accueillir ceux qui le souhaitent dans un abri souterrain gigantesque. Pour quoi faire ? Pour « hiberner » mille ans et remonter alors à la surface d'un monde nouveau et assaini.
Rafraîchissez-moi la mémoire : dans un roman de quel auteur sommes-nous ? Dans un roman de Brussolo... Vous connaissez donc la musique : tout va partir de travers. Georges et Sarah, toujours là, sont nos guides à l'intérieur de l'abri. Ils nous font découvrir l'organisation de la vie à l'intérieur, les adaptations des uns et des autres à des conditions de vie étranges.
Avec cette deuxième partie, PEIMF se rapproche beaucoup de romans comme Sommeil de sang, Ce qui mordait le ciel... ou ceux du Cycle des ouragans en décrivant des comportements sociaux – ou asociaux – extravagants, des personnages à la dérive sur un océan de conditions qui ont ébranlé leurs esprits, des individus abandonnés, adaptés de façon contre-nature à leur environnement. C'est évidemment fascinant, bourré d'idées farfelues mais captivantes et surtout, toujours nouvelles. Brussolo ne démontre jamais mieux que dans ce type de récits toute l'étendue de son imagination, de son talent de conteur macabre et, peut-être aussi, de sa folie...

En fait, PEIMF est un roman assez moyen pour un Brussolo. Je ne le recommenderais qu'aux fans de l'auteur. Sa longueur, à mon avis, est la cause de son niveau légèrement inférieur à la moyenne de l'œuvre de science-fiction brussolienne. Mais il développe en même temps les deux aspects de cette dernière : la description d'un environnement devenu hostile avec lequel se débattent les personnages et l'exploration d'un environnement étranger et la rencontre avec ceux qui se sont adaptés pour y survivre. Un exemple en un seul volume de ce dont est capable Serge Brussolo.
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le 18 déc. 2010

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