une magnifique conférence sur l’écriture comme métier accompagnée de ses recettes

"Combien de fois faut-il réécrire ? Je ne peux le dire précisément. Pour ma part, je procède à de très nombreuses réécritures, à tous les stades, y compris sur les épreuves, au point que l'éditeur lui-même n'en peut plus. Je lui renvoie des épreuves couvertes de corrections, carrément noircies d’annotations, et je recommence avec le nouveau jeu. Comme je l'ai déjà dit, c'est un travail que j'exige de la persévérance, mais cela ne m'est pas pénible. Relire plusieurs fois la même phrase pour bien sentir comment elle sonne, changer l'ordre des mots, effectuer de toutes petites modifications stylistiques, c'est un travail minutieux et, par nature, je l'apprécie.” page 102-103

lire la chronique entière : https://www.quidhodieagisti.com/2023/11/haruki-murakami-profession-romancier-novelist-as-a-vocation.html


Enfermé seul dans une pièce à trifouiller avec ardeur un texte en se creusant fiévreusement la tête sans personne pour l’applaudir et nul lecteur pour remarquer la phrase mainte fois remaniée, le romancier fait un bien curieux métier. Dans ce texte de 200 pages à l’oralité assumée Haruki Murakami offre une conférence sur l’écriture comme métier, une histoire personnelle franche et sans détours accompagnée de sa recette détaillée d’écriture.


Le romancier observe sans conclure, se laisser pénétrer des choses vues et entre dans soi pour disposer d’une énergie renouvelable à l’infini appelant à la créativité et l’originalité fruits d’une vie intérieure peuplée par les lecture et l’écoute.


Faire du temps son allié en créant un cycle rigoureux,

  • se fixer un objectif quotidien à atteindre et à ne pas dépasser : 10 pages par jour (400 signes japonais par jour, 2 pages et demie de son mac),
  • se lever tôt, café et 5 à 6 heures devant l’écran et faire une heure de sport,une fois le tapuscrit achevé, prendre une semaine de recul,
  • puis gratter le tapuscrit, en ôter les aspérités, les points contradictoires, les passages illogiques sur la chronologie ou les personnages, raboter franchement ici, développer largement là, ajouter d’autres épisodes… 
  • Cette réécriture me prend un mois ou deux.une fois le tapuscrit réécrit,
  • prendre une semaine de recul,
  • Deuxième série de retouches minutieuses sur les détails, les descriptions de paysages, les dialogues, la facilité de lecture et de compréhension…
  • Puis après un arrêt, procéder à des amendements sur le développement du roman, où serrer ou relâcher les vis pour donner de l’air au lecteur,
  • Puis le tapuscrit dort un mois et Haruki Murakami l’oublie, travaille sur un autre sujet, voyage, se nourrit, laisse la pâte se reposer.
  • Puis relecture du roman pour juger de sa profondeur, de son équilibre,
  • Et nouvelle réécriture,Et enfin est venu le moment de présenter l’ouvrage à un tiers de confiance qui donne le la sur la durée, chez Murakami, sa femme : les remarques sont difficiles à supporter mais elles révèlent toujours un blocage, une imperfection, une amélioration potentielle. 
  • À ce stade il s’agit d’amender les passages questionnés, la laisser relire et retoucher tant que nécessaire.Puis relecture de l’ensemble pour les derniers ajustements sur la fluidité, les déséquilibres apportés par les dernières modifications.
  • Et c’est à ce moment que Haruki Murakami confie son tapuscrit à son éditeur le cerveau calme et rafraichi.

Et tout cela prend un à trois ans ! 

S’enfoncer à l’intérieur de soi

”Par essence, un écrivain raconte des histoires. Il s'enfonce dans les souterrains de la conscience. Descend au plus profond des ténèbres du cœur. Et plus l'histoire qu'il veut raconter est vaste, touffue, plus il doit aller loin dans le sous-sol. De même que la construction d'un grand immeuble nécessite de creuser très loin pour édifier des fondations. Et plus l'histoire à raconter est dense et fourmillante, plus l'obscurité dans laquelle plonge d'écrivain est lourd, épaisse,C'est au cœur de cette ténèbres, qu'il découvre ce dont il a besoin –ce qui nourrira son roman–et qu'il ramène sa prise dans les zones supérieur de son esprit. Il transforme alors ce matériau en texte en lui donnant des formes et du sens. Ces lieux sombres regorgent de danger. Les créatures qui les peuplent peuvent revêtir toutes les apparences possibles afin d'égarer les humains. Il n’ya là-bas ni poteau indicateur ni plan. Certains endroits se changent en labyrinthe. Comme des grottes souterraines. Si l’on manque de vigilance, on est perdu. Et l’on risque de ne plus remonter. Dans cette obscurité, inconscient collectif et inconscient individuel se confondent. Comme se confondent temps immémoriaux et présent. Rien ne peut être emporté sans avoir été disséqué, au risque de conséquences parfois périlleuses.” Page 118

pikkendorff
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le 7 nov. 2023

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