Pulp Fiction littéraire

Au début j'ai été surpris en voyant la moyenne de 6,8 de Senscritique. On ne devait pas avoir lu le même livre, c'est impossible. Ces gens n'ont pas pu lire ce truc aussi brillant que j'ai dévoré. Mais en y repensant, je peux tout à fait comprendre qu'on n'aime pas, en fait.

Ce qui est intéressant dans ce roman, c'est bien évidemment sa narration. Jennifer Egan a construit ici un puzzle littéraire : chaque chapitre se concentre sur un protagoniste différent, avec un narrateur différent (première personne, deuxième personne, troisième personne), dans des styles différents (parfois plus soutenu, parfois plus maladroit, parfois sous forme journalistique, parfois sous forme de slides Powerpoint, parfois en écriture SMS...), à des endroits différents et des époques différentes, le tout sans aucune chronologie. On peut donc passer d'une époque futuriste aux années 70 sans être prévenu. Ce schéma à la Tarantino peut, j'imagine, être très perturbant pour certaines personnes tant le rythme est haché et la lecture pas toujours aisée (il faut toujours un petit temps d'adaptation au début de chaque chapitre pour comprendre l'époque, le lieu, le personnage). Mais c'est justement ça que je trouve incroyable dans ce roman : le véritable rôle actif du lecteur, qui construit le puzzle à l'aide des indications de l'auteur. Le roman n'est jamais prévisible, chaque chapitre amène des nouvelles problématiques, des nouveaux personnages et cela permet à l'oeuvre d'aborder un grand nombre de questions, depuis la jeunesse jusqu'à l'âge adulte en passant bien évidemment par l'adolescence.

On en resort donc avec un léger vertige tant on a suivi les parcours croisés d'une belle galerie de personnages. Mentions spéciales à Sasha, Bennie, Lou, Lincoln, des portraits absolument charismatiques et attachants qu'on n'oublie pas à la sortie du roman (en réalité, je ne cite que ceux-là mais bien d'autres m'ont réellement émus/attendris). Et mention spéciale au chapitre exclusivement réalisé à l'aide de slides : perturbant au début, certes, mais sûrement le chapitre le plus émouvant de ce roman.

Bref, je ne peux que conseiller ce livre qui bénéficie d'une forme unique, de personnages géniaux et d'une belle réflexion (un peu pessimiste) sur le passage à l'âge adulte et le sort qu'il réserve à nos rêves d'enfance, le tout sur fond de culture underground et de punk.