Ce livre est-il un diamant offrant une visibilité à la lutte contre le racisme latent qui pourrit encore tant l’Amérique mais pas que ? Un diamant offrant au monde entier ses éclats brillants pour répercuter dans toutes les directions la beauté, le courage de tous ces combats menés en faveur de la reconnaissance de la Femme, égale de l’Homme ?
Ou ce livre n’est-il qu’une pierre brute, engoncée dans ses scories, non encore taillée, polie, seulement promesse d’éclats encore à venir ?
Maya Angelou, décédée à 86 ans en 2014, était incontestablement une plume qui a porté très haut le digne combat des noirs, du Sud mais aussi du reste des Etats-Unis, à la recherche d’une simple reconnaissance factuelle : la couleur de la peau ne fait pas l’homme, sa dignité fondamentale est bien au-dessus de ce détail de pigmentation. Ce combat, l’autrice l’a couplé à sa lutte incessante pour que la femme puisse être libre de son destin. On ne peut que l’admirer pour cela, la lire et répercuter ses nobles revendications.
Oui, mais. Ce roman, Rassemblez-vous en mon nom, est, on le sait, autobiographique et il ne raconte qu’une toute petite partie de la vie de Angelou, alors qu’elle abordait, à peine la vingtaine avec un enfant sur les bras, la décision prise de quitter sa région et la volonté de se faire une place au soleil de la liberté. Ce roman est criant de vérité. Pas de camouflage des réalités. L’autrice se livre, sans précaution, sans voilage et son passé, ses choix sont parfois très loin de l’éthique, des valeurs que son œuvre littéraire défendra tout du long. Ce roman n’est qu’une tranche, une mince tranche de sa vie, marquante, certes, mais parcellaire. Est-il déjà ce combat qu'on lui prête ?
C'est la question qui m’a taraudé tout le récit. J'ai cherché à comprendre si, au moment du récit, quasi encore enfant, elle avait cette volonté émancipatrice de la condition féminine et de la couleur de sa peau ou si, en elle, ce n’était qu’un monde de rêves, d’une liberté mal définie, de naïvetés parfois navrantes et répétitions des mises en malheurs. Ses expériences, alors, ne semblaient pas apte à la faire vraiment grandir en humanité.
Si je m’en tiens au strict contenu du livre, je suis épaté par sa capacité de rebonds, sa résilience, la tête qu’elle a sur les épaules pour se sortir du pétrin. Elle fait preuve d’une débrouillardise sans scrupule. Je suis aussi abasourdi par la naïveté avec laquelle elle s’engouffre dans ses situations chaotiques pour elle et son enfant. Dois-je admirer la femme qu’elle est devenue ou être choqué par l’enfant, oiseau moqueur qui choisit des moyens bien éloignés de ses fins. Car, à la lire, on perçoit sa capacité de regarder la vie avec un humour décalé, de rire plutôt que d’en pleurer. Mais, est-ce la Maya adulte, celle qui en 1974 publie son « Gather Together in my name » ou celle qui, vingt-cinq ans plutôt, devient macrelle, prostituée et accepte tout et n’importe quoi pour rester le paillasson des hommes noirs qui abusent d’elle ?
J’avoue que ces choix me laissent perplexe. Sans juger, j’ai des difficultés à m’émerveiller de cette tranche de vie. En fait, par ma culture occidentale et les plus de vingt ans de décalage avec elle (soit plus d’une génération), je ne comprends pas et ne réalise certainement pas la profondeur de ce témoignage.
Humblement, j’en prends ce que j’en ai compris. Je suis un peu plus sensibilisé encore à ces combats, contre le racisme et le sexisme qu’il nous faut toujours tenir et tenir encore. A ce titre, merci Maya Angelou pour ce roman.
Merci aussi aux Explorateurs de la rentrée de lecteurs.com. Sous la houlette de Karine Papillaud, nous avons encore pu découvrir des perles et les nombreux échanges d’avis et de livres entre nous sont une bien belle histoire. Un merci spécial à Vanessa Chttl qui m’a prêté ce livre et a fait preuve d’une patience d’ange pour me laisser le temps de le chroniquer.

Créée

le 30 déc. 2020

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