Quelques jours après la parution de ce sombre mais magnifique roman en octobre 2008, Le Clézio reçoit le Prix Nobel de littérature pour l'ensemble de son œuvre. Ce superbe portrait de femme qui est au centre du roman, est en partie inspiré par la mère de l'écrivain, il est à la fois tendre, retenu, empreint d'une gravité sourde et rend un vibrant hommage à une jeune femme qui fut malgré elle une héroïne à vingt ans. De l'exposition coloniale de 1931 dans le Bois de Vincennes, à la montée du nazisme mais aussi de l'antisémitisme dans les salons parisiens voire dans les médias bien avant la guerre, jusqu'aux années d'Occupation, la faim, la fuite, l'horreur du Vél' d'Hiv, ce roman d'une impressionnante maîtrise nous replonge intensément dans ce passé nauséeux sans pour autant en faire une fresque historique. La jeune Ethel traverse et vit de manière plus ou moins présente ces événements, mais ce livre s'attache surtout aux conséquences qu'ils provoquent sur elle, la faisant passer d'une certaine candeur et douceur à une rage et une force qui lui permettront de tenir ses parents à bouts de bras. L'écriture de Le Clézio est subtile, généreuse, précise, c'est un pur régal. Le Boléro de Ravel créé en 1928 apparaît pour l'auteur comme une prophétie, il y voit l'histoire d'une colère s'achevant dans la violence, et ajoute que le silence qui s'ensuit est terrible pour les survivants étourdis. La lecture de ce roman apporte autant de bonheur que d'émotion, et fait de Le Clézio encore un peu plus un écrivain majeur de la littérature mondiale.