Qui se souvient qu’au 16e siècle, parmi les expéditions extra-européennes de la France, figurait la conquête du Brésil (ou plutôt d’un îlot situé dans la baie de Rio) ? C’est parce qu’il était oublié que Jean-Christophe Rufin s’est intéressé à cet évènement si romanesque, qui paraît davantage échappé de la fiction que de l’Histoire.


Menée par Villegagnon, l’expédition avait pour but de fonder une colonie sur les rivages de l’Amérique du Sud, et emportait donc, outre des militaires, des artisans de tous les corps de métiers - mais qui tenaient davantage du forçat que de l’honnête homme. Les navires prirent la mer en août 1555, et à leur bord figuraient également plusieurs enfants, orphelins, qui devaient servir de truchements (c’est-à-dire d’interprètes auprès des tribus indiennes). Quelques mois plus tard, tout ce petit monde accosta donc sur une île de la baie de Rio : la “France Antarctique” était née. Elle constituait un pied de nez aux Portugais à qui devait revenir l’Amérique du sud, par le partage du monde fait avec les Espagnols.


Ce livre magnifique m’a réconciliée avec les romans historiques, genre dont m’avait dégoûtée un certain nombre de mauvaises expériences. Il faisait un pont assez intéressant entre mes cours arides de prépa où j’avais entendu parler de cette expérience singulière, et l’imaginaire que fait naître l’évocation d’un Brésil primitif (avec la musique d’Ennio Morricone en arrière-plan, génial).


On suit donc les péripéties de la petite colonie, et de certains personnages comme Just et Colombe, enfants naturels d’un noble décédé, dont la famille s’est débarrassé en les proposant comme truchements. Les personnages sont tous bien campés, et si quelques uns (tel Vittorio le traître ou Gonzague le capitaine-poète) sont à la limite de la caricature, c’est pour mieux montrer l’évolution de certains autres, comme Villegagnon, Just et Colombe. Cette évolution est d’ailleurs plutôt bien menée, même si parfois pressentie assez vite, pour Colombe par exemple.


La question religieuse est omniprésente pendant presque toute l’histoire, et constitue, comme l’auteur le dit lui-même en post-face, une sorte de répétition générale des guerres de religion qui vont saigner la France peu de temps après. En effet, il n’y a pas au départ de grosse fracture entre catholicisme et protestantisme, mais elle se met peu à peu en place à mesure que les discussions s’enveniment sur l’avenir de la colonie. C’est aussi l’occasion d’une confrontation de points de vue sur le « sauvage ».


Bref, on se doute bien – en ayant fait un peu d’histoire – de l’issue du livre (du moins, en ce qui concerne la colonie), mais personnellement ça ne m’a pas empêchée d’être happée par l’histoire et d’avoir hâte d’en connaître le dénouement.

MaryB
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le 23 juin 2015

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MaryB

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