Une île-cimetière au milieu d'un fleuve, au milieu du désert. C'est là que Malaka amène le corps de sa mère Salina (Salina, comme le sel des larmes). Le cimetière et son passeur décideront s'il peut, ou non, y enterrer sa mère. À lui de faire le récit de sa vie, de dire qui était cette femme. Le récit prend plusieurs nuits, s'arrête le jour. Des barques de pêcheurs s'amarrent silencieusement pour l'entendre, toujours plus nombreuses. Parce que la ville a soif de récits.
L'histoire qu'il raconte est pleine de fureur. C'est celle d'une femme que seules les hyènes ont épargnées, qui épousera le désert et noiera sa haine dans le sang de ceux qui l'ont un jour humiliée, et de cette autre autre qui lui tendra l'enfant de la réconciliation, car "une guerre ne s'achève vraiment que lorsque le vainqueur accepte de perdre à son tour". Le récit de Malaka est plus qu'un hommage à sa mère Salina, il la restaure dans sa dignité et son humanité. Il lui rend justice et lui bâtit un mausolée.
La langue de Laurent Gaudé, magistrale de simplicité, comme épurée par le sable, dit la force du récit et nous emmène au bord du fleuve, au cœur du désert, sous les étoiles.