Sayat Nova de Serguei Paradjanov

Résumé : Sayat Nova, réalisé en 1968 par le cinéaste arménien Serguei Paradjanov, est apparu comme un météore dans le ciel des étoiles fixes du cinéma. Ses tableaux vivants, ses poses hiératiques, son recours à l'allégorie en font, au-delà de sa beauté plastique frap­pante, une oeuvre teintée d'énigme qui déjoue la possibilité de son exégèse.La frontalité exacerbée des plans et le regard des modèles adres­sé au spectateur imposent le face-à-face. Au fil d'une relation pré­cise de ses images, l'auteur de cet essai s'exerce à déplier le film en privilégiant différentes lignes d'interprétation comme l'enfance, la magie ou le présage, en vue d'instruire son extrême singularité. Sous le langage d'objets, la circulation des offrandes, le tissage complexe des motifs, le jeu des métamorphoses se révèle un film à la beauté cristalline qui actualise, entre cinéma primitif et modernité, une puissance poétique du cinéma.Erik Bullot est cinéaste. Membre du comité de rédaction de Cinéma, il collabore à Trafic. Il a publié un roman, Tombeau pour un excentrique (Deyrolle, 1996), un essai, jardins-rébus (Actes Sud, 1999) et coordonné l'ouvrage collectif pointligneplan, Cinéma et art contemporain (Léo Scheer, 2002). Une monographie accompagnée d'un DVD lui a été consacrée en 2003 aux ÿditions Léo Scheer. Il enseigne le cinéma à l'ÿcole nationale supérieure d'art de Bourges.Extrait du livre :L'enfance Le premier regard adressé au spectateur dans ce film où les regards-caméra abondent sera celui d'un enfant à genoux sur son lit, lové sur lui-même par crainte de l'orage, de blanc vêtu, la tête renversée. ÿ travers un encadrement de bois cloisonné, on aperçoit la mère, en robe et voile rouges, recouvrir lentement son enfant de deux tapis, l'un après l'autre,