Difficile de cataloguer ce livre tant il est à la croisée de plein de genres différents : roman d'espionnage, thriller, drame historique, réflexion sur le monde et la culture nippone confrontée à la civilisation occidentale. On suit la vie rocambolesque d'un personnage atypique, né d'une mère aristocrate russe et d'un père nazi, élevé par un haut gradé japonais, pétri de multiples cultures, polyglotte et philosophe averti, qui après avoir travaillé comme mercenaire pour une multinationale aux intentions opaques a décidé de raccrocher, afin de mener à bien une quête introspective qui le conduira à vivre pleinement le "shibumi". En japonais, le shibumi est une sorte de sentiment du beau émanant du simple. C'est la beauté sans artifice, ramenée à une pureté originelle. C'est un art de vivre, une philosophie de l'existence dont notre héros est pétri. Mais sa retraite spirituelle sera bien vite gâchée par l'arrivée chez lui dans son château basque d'une jeune américaine , fille d'un ancien ami et complice récemment décédé, dont la vie est en danger. Il reprend alors du service et les péripéties vont s'enchaîner à un rythme endiablé, mais on est loin d'une littérature formatée comme on a l'habitude d'en voir chez les auteurs américains. Le personnage principal est tellement éloigné des sentiers battus, tellement bien écrit dans son caractère et ses particularités qu'il éveille un intérêt nouveau et finalement, en croisant de nombreuses réflexions sur la société de l'époque (le roman a été écrit dans les années 70) à l'action proprement dite, Trevanian nous promène d'un souffle dans son univers décalé, ironique et très coloré.