Shōgun
8.2
Shōgun

livre de James Clavell ()

(Faites pas gaffe à la couverture dégueulasse, c'est pas la même sur les éditions récentes)

Avec ses 1 300 pages bien tassées, Shogun en impose. Sans se presser, James Clavell nous conte l'histoire des machinations politiques du daimyo Toranga visant à le faire arriver au pouvoir, le tout au travers des yeux du Pilote Blackthorne, un navigateur anglais arrivé sur les côtes japonaises un peu par hasard. Pour un roman "jeunesse" c'est long, très long, mais compensé par la plume dénué de fioritures ou d'effets de styles de Clavell, qui fait que le tout se lit sans aucune difficulté.

La taille du bouquin s'explique par la multitude d'histoires, de personnages et de rebondissements qui traversent le roman. Shogun se divise d'abord en deux récits majeurs: la découverte du Japon féodal par Blackthorne et le choc des cultures qui s'ensuit, entrecroisé avec la stratégie de Toranga pour latter la gueule de son rival Ishido et arriver au pouvoir. Quand je dis "se divise", je ne parle pas d'une division chronologique (ces deux "parties" sont toujours présentes tout au long du livre) mais plutôt narrative, selon le personnage suivi par le narrateur.

La partie "choc des cultures" est magistrale, et probablement la plus grosse réussite du bouquin. Sans rien connaitre de cette époque, je dirais que Clavell nous décrit un Japon un peu fantasmé, ou les samourais se font sepukku toutes les trois minutes, ou toute fille normale possède plus de sex-toys que Paris Hilton et ou la politesse est une affaire de vie ou de mort (préparez-vous à encaisser des "So sorry" toutes les trois lignes). C'est peut-être pas totalement conforme à la réalité historique, mais d'un point de vue narratif c'est du très bon boulot: le choc initial en découvrant le pays se mêle à une rébellion (visant à survivre, normal, mais aussi à conserver ses valeurs), qui se dilue au fur et à mesure que le héros comprend et accepte les coutumes du pays. C'est particulièrement bien foutu parce qu'en tant qu'occidental, on est exactement comme Blackthorne au début du bouquin: dégoûté par les décapitations gratuites et la violence extrême, paumé par leur langue, sceptique à l'égard de l'étiquette particulièrement lourde... et comme Blackthorne, on comprend et accepte peu à peu la culture et les coutumes du pays. La transition n'est pas forcément subtile (pas dur de marquer le point précis du bouquin ou elle se fait), mais tout de même très bien foutu, aidé en cela par une histoire d'amour étonnamment-pas-trop-casse-couille.

La partie "machinations politiques" est aussi très solide, sans atteindre le niveau d'un Rois Maudits ou plus récemment d'un Trône de Fer. Au centre se trouve Toranga, génie militaire, tacticien hors-pair et politicien vicelard, qui va mener sa barque jusqu'à la prise du pouvoir... ou la mort. Le tout est saupoudré de plusieurs sous-récits, notamment sur les relations avec les portugais et l'Eglise (les premiers étant les seuls à être autorisé à faire du commerce entre le Japon et les autres pays du monde, les prêtres de la seconde jouant les interprètes pour les japonais), la place montante du Christianisme au sein de la société japonaise, le rôle de Blackthorne au milieu tout ça, la création d'un régiment de fusilliers qui va changer la face de la guerre... Il y a beaucoup de trucs, peut-être même un peu trop quand on y ajoute les innombrables coups de pute, trahisons, renversement de situations qui se déroulent au long du bouquin. Ca finit par manque un peu de clarté, pour être honnête, mais ça reste foutrement bien mené, jusqu'à l'excellente fin.

Shogun est un excellent livre, une histoire passionnante comme on en fait malheureusement plus de nos jours en littérature grand-public, un récit qui désarçonne pour mieux fait rêver, rempli de grands moments et de personnages fascinants. C'est long, mais c'est bon.
Pelomar
7
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le 26 janv. 2013

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Pelomar

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