C'est avec déception que je suis passé à côté de ce monument de la littérature.
Embarqué avec d'excellents a priori dans ma lecture, je n'ai - au départ - pas été frustré ; bien au contraire ! Je trouvai son écriture superbe, orale, d'une fluidité qui ne pouvait que prêter l'envie de tourner les pages, encore et encore. Je me sentais en osmose avec ce style à la fois si violent, si abrupte, et en même temps si humain, si plein de réalité. Je comprenais pourquoi on me conseillait cet auteur qui ressemblait à ce moment dans mon esprit à une véritable force artistique de la nature. J'étais face à un nouveau Céline, un Céline américain, avec cet argot oral, ce manque de délicatesse qui tourne à la finesse, cette franchise qui force, qui contraint le lecteur à observer une réalité qui lui échappe en temps normal, à laquelle il refuse de se confronter - une franchise purement artistique.
Et puis, ce qui était raconté n'enlevait rien à cette force : la solitude ; l'inadaptation ; la violence familiale, sociale, de la rue, de la sexualité, de la jeunesse ; les inégalités conservées et soigneusement reproduites ; le rejet du monde, celui qui nous rejette impitoyablement et celui qu'on rejette par désintérêt profond pour ce dernier...
Seulement... Seulement le bouquin fait 300 pages, et n'est pas Céline qui veut. 300 pages de description aphoristique d'une jeunesse d'errance, d'alcoolisme et d'inadaptation, c'est long. Et je pense m'être lassé de ce personnage de Chinaski insupportable d'intolérance, de violence, de mépris et d'alcool. Et les chapitres s'enchaînent, de cet anti-héros qui s'enfonce dans la solitude, le whisky et les bastons sans intérêt ni vainqueur. "Faut que je boive", "faut que je chie", "je lui mis une droite", "on a bien rigolé, en sang, puis après on a bu" sur presque 150 pages qui confinent petit à petit à l'ennui ; chose que, précisément, Céline parvenait à éviter avec élégance, tant dans ce qui était raconté que dans la façon de le raconter.
Alors les chapitres perdent en intérêt, et en quelque sortes en puissance, en beauté, et l'écriture ne sauve plus rien, pour ne laisser qu'un goût de lassitude et une envie d'en finir au plus vite avec ce bouquin. On en vient à vouloir tourner les pages mais, plus pour lire : pour finir et passer à autre chose. C'est dommage.