Stalker, c'est avant tout un très intéressant cas d'édition, comme le relate l'un des frères Strougatsky en postface de la dernière version du poche (je ne sais plus lequel des frères. Déjà, me souvenir de leur nom requière 50% de mon énergie motrice…).
Paru sous forme de feuilleton dans l'URSS des années 70, le roman attendra huit ans (huit ans ??) avant de pouvoir être publié dans une version très expurgée sous format livre. Les frères s'en désolent, pas loin de renier totalement cette première version qui cédera finalement la place à l'édition d'origine, celle que nous lisons depuis la chute du mur. Le plus foutraque là-dedans, vois-tu, ce sont les raisons de cette censure. On pourrait s'attendre à des arguments politiques. Ce n'est nullement le cas. Ce qui a été reproché à Stalker, c'est son manque d'éthique, sa morale, ses personnages grossiers, bagarreurs, sa violence, ses gros mots (et un peu aussi ses morts vivants, va comprendre…). Au contraire des censeurs soviétiques, c'est ce que j'ai aimé dans ce roman. On y trouve une vivacité d'écriture, des personnages au mieux désabusés, au pire au bord du gouffre.


Le synopsis sera rapide : les extraterrestres sont venus et repartis aussi vite, ne laissant derrière eux que les traces de leur passages dans quelques "zones" devenues interdites au public, comme des pique-niqueurs indélicats. On s'intéresse ici à la zone entourant un petit bled américain. Son exploitation est réservée aux militaires et aux scientifiques qui s'intéressent aux multiples débris extraterrestres laissés là, tous plus insolites, prometteurs pour l'humanité et dangereux les uns que les autres. Mais comme aucun mur n'est parfaitement étanche, la zone est également visitée par les stalkers, pillards civils qui, à leurs risques et périls, viennent y chercher tout et n'importe quoi pour alimenter un marché noir florissant.
Le roman se divise en quatre courtes parties à peu près égales, où l'on suit un stalker expérimenté aux prises avec la zone et avec ses propres interrogations : ces objets dont on ne comprend pas l'utilité serviront-ils ou détruiront-ils l'humanité ? Faut-il les garder ? Les vendre ? Et que se passe-t-il si la zone influe aussi sur ceux qui vivent d'elle ou à proximité ?


Bref, un roman intéressant, à recommander à ceux qui n'aiment pas la SF au sens space opera du terme. On est ici dans quelque chose de très réaliste, très concret. Puis bon, un roman de SF qui souffle ses quarante bougies, c'est presque un classique qui gagne à être lu, non ?

Rachel_Laskar
8
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le 2 juil. 2015

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Rachel L

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