Stoner
7.9
Stoner

livre de John Williams (1965)

Je suis bien en peine de vous parler de ce bouquin, car je suis passé par bien des états avant de le finir, et la synthèse de toutes ces émotions contradictoires est finalement assez floue. Je vais tout de même tenter de vous expliquer en qupoi "Stoner" a été une immense déception pour moi, et à la fois une surprise qui m'a foutu une claque avec toute la force dont sont capables les chefs-d'oeuvre littéraires.
Je commence par la superficialité, je le sais, mais je ne peux manquer une occasion de taper sur Anna Gavalda, qui prend autant de place que John Williams (l'auteur) sur la couverture. Effectivement, elle a (bien) traduit l'oeuvre et glissé une petite préface, qui n'est pas très enthousiasmante, mais je ne peux au fond pas vraiment lui en vouloir, car je peux ressentir cette difficulté à parler d'un livre traitant d'une vie simple, banale, ordinaire, âpre...
Le livre, en lui-même, c'est l'histoire de William Stoner: sa vie, son oeuvre et sa mort, sans vraiment de fioritures venant parasiter le tout. Si cela peut sembler faible, il n'en est rien: l'auteur parvient à accrocher le lecteur par une force nue, innocente qu'est une écriture impeccable et ne s'égarant jamais dans des excès de zèle. Cela soulève ainsi la principale qualité et le principal défaut du livre. Il vous sera effectivement bien diffcile de trouver un peu de magie dans tout ça, sauf à la fin, et le livre se révèle plus une lettre d'amour à l'enseignement et la lecture qu'une histoire palpitante et enchanteresse. Le lecteur s'attache petit à petit, et difficilement à William Stoner, un gars de la campagne qu'il est bien difficile de détester tant il n'est jamais à sa place et trimballe sa longue carcasse d'un air penaud. Il parait morne et amorphe sur la première partie du bouquin, chose qu'il quitte une fois les études terminées, et c'est là qu'il devient réellement intéressant, et comme je l'ai lu dans d'autres critiques, immensément droit. Un certain respect traverse le lecteur, une certaine pitié aussi lorsqu'il comrpend que le personnage d'Archer Sloane n'est que le fantôme d'un Stoner en devenir, brisé. A la différence que Stoner est un battant.
Le manque de magie, c'est donc ce qui m'a géné. J'aurais vraiment préféré vous tenir un autre discours, et vous affirmer comme beaucoup que ce livre a changé ma vie. Mais c'est faux. Il faut croire que je suis devenu idiot avec la lecture, à force de sentiments que l'on ne peut que fantasmer. Stoner, c'est la vie, comme elle se présente. la douleur est là, l'indifférence aussi, et un peu de joie. Mais il est clair qu'il ne faut pas chercher une histoire hors du commun ici. Sa relation avec Edith, personnage aussi exécrable que tristement seul, est plate, désolante et se délite pour mieux se reconstruire. Pas d'amour qui fait rêver ici, non, bien au contraire, les descriptions de John Williams s'assurent même la plupart du temps, avec une petite expression glissée ici ou là, que la perfection n'existe pas, et que les scènes que l'on lit ne se graveront pas dans notre mémoire comme un souvenir d'une grande beauté.
Pourquoi avoir dit alors que "Stoner" m'a bouleversé? Eh bah... Parce que tout ce qui fait ses défauts fait aussi ses plus grandes qualités. En présentant un histoire si proche de ce que la vie peut être, John Williams instille la puissance de la vie à son récit. On est subjugué par le quotidien de Stoner, par cette petite guerre qu'il mène stoïquement et à-travers le temps contre Lomax. On est touché par l'amour qu'il porte à sa fille, par ses efforts pour se rapprocher d'Edith, et bien évidemment, par la passion et la nécessité qu'il voue à la littérature et la mission qu'est l'enseignement.
On arrive donc à retenir des scènes d'une netteté filmique, comme ce fameux soir où Dave Masters leur a lu l'avenir et a au passage donné une clé de compréhension du roman. Et on sera évidemment submergé par la beauté de la fin de ce roman, les dernières pages étant quand même d'une poésie incomparable, d'une beauté sans pareil.
Le quotidien de Stoner à l'université parvient à devenir jouissif pour toute personne ayant connu cette excitation devant l'apprentissage et l'enseignement. Si certains passages sont carrément arides (les démonstrations de connaissance de Stoner laisse à penser que ses cours ne devaient pas être la grande rigolade...), d'autres sont vraiment très plaisants. On se surprend à apprécier chaque passage de Willy dans le bureau de Gordon et à attendre le nouveau coup bas, toujours bien mené, dont est capable Lomax. Et toujours, bien sûr, la réplique de Stoner.
Parlons en passant de Katherine Driscoll, qui est le personnage capable d'envoyer toute ma critique à la poubelle, puisqu'insufflant un peu de magie au tout, un peu moins de convenance et décoinçant notre bon vieux Stoner.
Voilà, je ne peux pas vraiment vous donner d'avis plus clair sur Stoner, mais je crois vous avoir fait passer l'impression que m'a laissé ce bouquin. Il y a donc beaucoup de qualités que l'on peut prêter à Stoner, même si "onirique" ou "fougueux" n'en feraient certainement pas partie. A vous de choisir si vous voulez vous engager dans ce récit qui se révèle, au final, assez agréable et rapide à lire.
Wazlib
7
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le 27 janv. 2015

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