Sur la dalle
6.2
Sur la dalle

livre de Fred Vargas (2023)

Lors d'une énième et interminable énumération de la composition par le menu détail - si l'on me passe ce jeu de mots - des repas partagés par tous ces flics dans cette satanée auberge des Deux Écus (dont les capacités techniques du tenancier épatent tant il ne peine aucunement à nourrir le déferlement de policiers et gendarmes qui s'abat sur la ville durant cette enquête) fini par nous interroger : le livre n'aurait-il pas du s'appeler "Avoir la dalle" tellement tout semble tourner autour des repas pris à cette auberge, alors que ce pauvre dolmen (dalle) occupe une place tout à fait anecdotique ?

(Alerte spoilers dans cette critique)

J'ai cru devenir dingue après toutes ces mentions de repas que j'ai même fini par penser que, par un rebondissement improbable, le tenancier de l'auberge aurait un lien ou serait le coupable. Il n'en fut rien bien entendu, Johan demeurant ce qu'il a été tout le livre durant : un personnage vaguement atypique, omniprésent - à la limite du dérangeant - et parfaitement inutile.

Au-delà du titre, c'est l'ensemble du roman qui ne tient pas debout :

Que font ces flics systématiquement fourrés à l'auberge, rompant le secret de l'enquête avec le premier quidam du coin passant par là, et ce même lorsque celui-ci serait un suspect ? Que fait le Ministère, à payer tant de repas à l'auberge tous ces agents, à ne pas remarquer les piratages de messagerie par ses propres agents sans broncher (après les avoir envoyé au casse pipe) ? Qu'est-il arrivé à Retancourt, un personnage pourtant formidable d'ordinaire et crédible dans l'univers de Fred Vargas qui devient, dans cet opus, tellement caricaturale qu'elle peut résoudre à elle seule n'importe quelle difficulté logistique ou physique en moins d'une demi-page, sans que cela ne soit jamais crédible plus d'une ligne ? A quoi sert Veyrenc, sans alexandrins et sans rôle précis ? A quoi sert Noël, dont il ne reste plus une trace de gouaille ou de misogynie ? Pourquoi avoir pris Mercadet en lieu et place de Froissy pour la caution informatique, alors qu'il s'endort et que cela n'apporte absolument rien au récit ? A quoi servent ses voyous parisiens vengeurs qui font une incursion de deux pages dans le premier quart du livre avant d'être maitrisés manu militari par Retancourt, si ce n'est à faire grossir le nombre de pages ? Où est passé Danglard, pourtant attendu dans cet opus compte tenu des derniers rebondissements entre lui et Adamsberg et la brigade dans le dernier volet de la saga ? Que dire, enfin, d'Adamsberg, que tout le monde admire sans limite dans ce livre alors que d'ordinaire ses raisonnements balbutiants provoquent a minima la méfiance et incompréhension (a minima face aux règles procédurales) ? Inventant au pif des théories, qui s'avèrent - quelle chance - fortuitement exactes, échouant pourtant plusieurs fois à prévenir des meurtres prévisibles sans jamais être inquiété, mentant éhontément à sa hiérarchie, jamais contredit, il n'en fini pas de discutailler dans des dialogues aux lignes plus creuses les unes que les autres. Il n'est jamais aussi sympathique, insondable, poétique ou charmant, que dans les romans précédents.

J'ai ressenti une énorme déception à la lecture de ce livre qui n'a pour moi rien des qualités originales qui sont celles d'une enquête écrite de Fred Vargas. L’enquête est invraisemblable et, pire, il y a même une forme de trahison. Car, qu'on ne s'y trompe pas, l'auteure a copié/collé, en les ajustant mal, des éléments de ses précédents romans : les puces de Pars vite et reviens tard, la bande de voyous soudée depuis l'école de Quand sort la recluse, les discussions à l'auberge dans Dans les bois éternels etc. qui donnent une désagréable sensation de déjà vu. Exit les petites références historiques fouillées pourtant toujours savoureuses dans ses livres et qui leur apporte ce vernis si particulier.

Je ne mets pas moins de 4/10 car j'imagine que certaines personnes, peut-être moins familières de la saga, pourront prendre quelque plaisir à lire ce livre. Mais s'il s'agissait d'en choisir un seul de l'auteure pour débuter, mon conseil : fuyez, et allez vite vous mettre à table dans une auberge. Commandez éventuellement un chouchen ou un cognac, et le temps passera plus agréablement !

ParmiG
4
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le 3 août 2023

Critique lue 251 fois

3 j'aime

ParmiG

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