«Ils étaient jeunes, instruits, tous les deux vierges avant leur nuit de noces, et ils vivaient en des temps où parler de ses problèmes sexuels était manifestement impossible...» Le soir de leur mariage, Edward Mayhew et Florence Ponting se retrouvent enfin seuls dans la vieille auberge du Dorset où ils sont venus passer leur lune de miel. Mais en 1962, dans l'Angleterre d'avant la révolution sexuelle, on ne se débarrasse pas si facilement de ses inhibitions et du poids du passé. Les peurs et les espoirs du jeune historien et de la violoniste prometteuse transforment très vite leur nuit de noces en épreuve de vérité où rien ne se déroule selon le scénario prévu.

J'ai refermé le livre perplexe et je m'interroge toujours quant aux intentions de l'auteur. Si on fait exception de très rares moment où Ian McEwan a su se montrer subtil et incisif, ce roman n'est qu'un condensé navrant des meilleurs clichés sur la pré-révolution sexuelle en 150 pages.
On n'est cependant jamais pris en traître, car il faut bien le reconnaître l'auteur est un homme honnête. Dès les premières pages, en effet, on sait que l'agonie sera longue, un taureau ne se laisse pas mettre à mort aussi facilement. C'est ainsi qu'à l'aide d'une douzaine d'épithètes par phrase, nous est servie une histoire arrogante de banalité.
Il est touchant d'observer avec quelle sincérité naïve l'auteur espère nous emporter à une époque si proche et pourtant si différente. Mais je suis un voyageur prudent et je rechigne un peu à me laisser guider par un type qui ne semble pas connaître l'existence de la boussole. Il n'est pas rare qu'on sente l'auteur lui-même un peu perdu dans son propos. La juxtaposition à outrance des adjectifs n'est jamais un bien. Ce livre en est l'illustration, véritable manne de non sens pédants et/ou satisfaits.
L'ensemble est donc relativement mal ficelé, les situations nous sont offertes avec des perches qui manquent de nous assommer tant elles sont lourdes. Le tout desservit par des personnages dégrossis au couteau-suisse.
A commencer par le jeune marié, tantôt décrit en historien érudit, héros de chansons de geste. On retrouve le pauvre homme deux pages plus tard dans la peau d'un ancien garçon de ferme bourru et bagarreur, se mourant d'un amour mièvre et téléphoné pour la riche héritière du village voisin.
Cette dernière n'est pas en reste, car oscille comme attendu entre la catin auto-suggérée à qui un simple poil pubien provoque l'orgasme et la bigote.
Ah subtile dualité des êtres quand tu nous tiens !
L'héroïne porte sur le sommet du crâne un gyrophare des plus seyants, car discret comme seul un phare breton sait l'être, que l'auteur ne saura dépeindre autrement tout au long du livre (il ne nous épargne d'ailleurs aucune de ses tentatives) qu'à l'aide d'épais sous-entendus.
Le dénouement ne fait pas défaut à ce qui vient d'être dit, loin s'en faut, c'est très certainement la partie du livre la plus prévisible.

Ceux qui comme moi avaient aimé Expiations seront très certainement déçus, par le style évident et pataud qu'a ici adopté Ian McEwan.
madamedub
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le 7 mai 2011

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