Une (auto)biographie malhonnête et inintéressante

Il est premièrement assez évident, à la lecture de ce livre, qu'Arnold n'en a pas écrit une seule ligne. Quand on emploi un nègre, tout en le reconnaissent à demi-mot par la mention "avec la contribution de", je me demande si on peut vraiment parler d'une "autobiographie" au sens strict du terme, mais passons...
Pour rentrer dans le vif du sujet : j'ai pas trouvé ce livre particulièrement bien écrit. Même si ça reste correct pour le but que poursuit ce genre d'ouvrage (qui a une finalité évidemment davantage commerciale qu'artistique), il y a des tournures de phrases et des métaphores qui tombent clairement à l'eau...
Le plus gros problème de ce livre c'est qu'Il tombe clairement dans l'écueil classique de l'autobiographie qui est de dépeindre de soi un portrait idéalisé, dépourvu de toute nuance et de point noir. Or tout être humain a, et c'est encore plus vrai pour un homme de 70 ans, des regrets, des éléments de vie plus sombres, moins glorieux. Et ces points là ne sont strictement jamais traité dans cette autobiographie, Arnold est un saint qui a tout réussi grâce à son travail acharné. Lorsqu'on écrit une autobiographie il faut être capable de mettre de côté son égo et il n'y est clairement pas parvenu. Une des grosse omission du récit porte sur les stéroïdes. Il y a une énorme hypocrisie et une large tendance à minimiser la responsabilité des stéroïdes sur son physique dans le but évident de lisser son image. Dans le seul paragraphe dans lequel il avoue en avoir consommé, il dit ne pas en avoir pris avant ses 20 ans alors qu'il avait incontestablement un physique inatteignable sans produits dès ses 18 ans, et que des témoignages de personnes qui l'ont fréquenté durant son adolescence affirme qu'il l'était depuis ses 15 ans. Et même en reconnaissant en avoir pris c'est toujours largement minimisé, l'objectif étant de renforcer son mérite, de nous faire croire qu'il est un acharné de travail qui doit tout à son abnégation. La réalité étant qu'en off season (les périodes durant lesquelles il ne se préparait pas pour une compétition) il arrêtait complètement l'entraînement et les produits et perdait toute sa condition physique. Il va même jusqu'à dire que dans le bodybuilding les stéroïdes ont moins d'importance que le bronzage, oui oui le bronzage, et qu'il devait la supériorité de son physique à l'entraînement aux poids libres, contrairement aux autres concurrents qui s'entraînaient sur machine. Alors même que n'importe qui sait que les machines sont plus efficaces que n'importe quel exercice au poids libre, car elles permettent d'avoir une isolation maximale d'un muscle par une grande stabilité et un mouvement guidé, ce qui, au passage, réduit drastiquement les blessures. Donc pour se défendre du fait que les produits ont eu un impact significatif sur son physique il en vient à dire n'importe quoi. C'est pathétique. Ce type est un menteur pathologique et ne fait même aucun effort de recherches pour se couvrir correctement...
Concernant le contenu, c'est quand même bien rempli de morales de comptoirs type "tout est dans la tête", "quand on veut une chose plus que tout on finit par l'atteindre, les limites sont psychologiques". Ça sonne vraiment livre de développement personnel américain bas de plafond.
En parlant des Etats-Unis, la vision qu'il en a est également assez manichéenne. Je pense qu'il y a des choses négatives à en dire mais il est tout au long du livre dans un éloge constant et sans nuance du pays qui tire sur les tornades et c'est regrettable.
Concernant sa vision de la musculation il met un clair focus sur le volume sur des charges lourdes à 8-10 répétitions maximum par série. J'ai aussi trouvé ça intéressant qu'il rappelle le caractère individuelle de la musculation. Chaque personne ayant un corps différent, un exercice peut fonctionner sur quelqu'un et ne pas du tout fonctionner, voire même être dangereux, sur d'autres. Je sais pas si il avait vraiment compris ça à l'époque, comme il le prétend, ou si il ne l'a fait que récemment et a réécrit l'histoire mais c'est dans tous les cas pertinent de rappeller ce fait, que beaucoup de vendeurs de tapis de la musculation abhorrent. D'autres éléments inhérents à sa vision de la musculation m'ont en outre dérangé. Il sous-estime par exemple complètement une notion qui est absolument fondamentale en musculation, mais pas très vendeuse (ceci explique peut-être cela), qui est la génétique. Or le sujet de la génétique n'est absolument jamais abordé dans le livre. Tout ça est évidemment un moyen de s'accorder du mérite ex-nihilo. C'est sûr que c'est moins vendeur d'écrire "j'avais une génétique ultra-favorable, une génétique que peut-être une personne sur un million possède, et c'est la raison pour laquelle j'ai évolué aussi rapidement, que mon corps a aussi bien réagit aux stéroïdes, et que j'ai pu briller dans le body-building". Ce qui serait la stricte réalité. Il n'y a pas d'Arnold sans sa génétique et cette bouillie existentialiste débile de développement personnel de comptoir, qui consiste à expliquer que n'importe qui peut arriver à n'importe quoi par la volonté et l'effort, est fausse et dangereuse et le pire c'est qu'il le sait en plus très bien.
Je critique la compétence d'Arnold concernant la science de la musculation mais peut-on vraiment lui en vouloir ? Ce que je veux dire c'est que c'est pas aux body-builders qu'il faut demander des conseils car si ils sont body-builders c'est précisément parce qu'ils ont à la base de tout une génétique favorable et n'ont jamais eu à se poser plus de questions que ça sur l'entraînement et l'alimentation... Arnold fait et ça fonctionne, parce qu'il est né avec la génétique qui est la sienne. On a infiniment plus de choses à apprendre de gens qui ont des génétique lambdas, voire en dessous de la moyenne, et qui ont su transcender ces déterminismes biologiques par la pratique. Ce sont ces gens-là qui sont par essence les vrais savants en ce domaine et non les champions de bodybuilding...
Sa vision du cinéma aussi est assez énervante. Elle est encore une fois purement américaine. C'est une vision boutiquière du cinéma et jamais, ou en tout cas très peu, artistique. Il se masturbe tout au long du livre sur les chiffres de ventes de ses films, combien tel film a fait d'entrée, aux Etats-Unis, à l'étranger, quels sont les pourcentages au niveau des impressions du public, quels cachets il a reçu pour tel ou tel film, comment il a multiplié son cachet à chaque nouveau film. C'est clairement une vision stérile de laquelle je vois pas vraiment ce qu'on pourrait en tirer. Et je me rends d'ailleurs compte, à mesure que j'écris cette critique, combien il était certainement illusoire d'en attendre le contraire de la biographie d'Arnold...
Concernant la version français il y également des traductions un peu aléatoires, notamment sur les expressions inhérentes à la musculation. On peut évidemment noter le fameux "salle de gym" pour "salle de musculation".
Tout n'est évidemment pas à jeter dans ce livre. J'ai bien aimé le différentiel culturelle qu'il raconte à son arrivée aux États-Unis que je trouve assez intéressant et quelques anecdotes tournant autour du monde du bodybuilding ou du cinéma qui sont sympas même si c'est jamais transcendant.

Ryan56345
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le 15 janv. 2024

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Ryan56345

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