Les Orphelins Baudelaire et moi, c’est une histoire de longue date. C’est la saga à laquelle je ne pense jamais lorsque l’on me demande les livres qui ont marqué mon enfance, ou même les livres qui m’ont fait aimer les livres. Et pourtant, c’est une chose presque certaine : les treize tomes de Lemony Snickett sont des livres qui font aimer les livres.
Alors, pour vous dresser rapidement la chose, j’avais dû les lire aux alentours de mes onze-douze ans et j’en avais un souvenir vif. Pour bien des raisons : je me rappelais d’une originalité absurde des intrigues, en faisant des récits très hauts en couleurs, avec des personnages que l’on oublie pas (et croyez-moi, le comte Olaf n’en est qu’un parmi d’autres). Je me rappelais également d’une certaine lassitude devant la répétitivité des mécanismes usés par Snickett, qui même s’il livrait des bouquins si pétillants que tout le reste de la littérature jeunesse faisait pâle figure à côté, les formatait selon une formule qui elle ne variait jamais d’un tome à l’autre. Si vous les avez lus, je pense que vous comprendrez aisément ce que je veux dire. Je me rappelais également d’une déception terrible dans ma vie de jeune lecteur d’alors : Snickett, au cours de son intrigue, développe une toile de fond passionnante car très mystérieuse et patiemment installée. Et à la fin du treizième tome, je me rappelle de cette sensation terrible qui m’a étreint pour la première fois, et qui m’étreindrait bien des fois encore : l’impression d’inachevé. L’impression d’avoir des milliers de questions sans réponses.
Bon, je ne vais pas vous raconter ma vie trop longtemps, d’autant plus que j’ai dans le projet, au cours de l’année, de m’en lire un de temps en temps, et donc de relire en entier la saga. Je pourrai donc sereinement confronter mes souvenirs d’adolescents à ces relectures. Mais parlons, pour le moment du premier tome, « Tout commence mal ».
Première étape nécessaire vers les désastreuses péripéties des Baudelaire, ce tome est loin, très loin d’être le plus original, mais il installe les personnages récurrents des tomes suivants (enfin pas tous, mais presque). On y découvre le style de Snickett, extrêmement intelligent et parfaitement adapté à de la littérature jeunesse. La richesse de son propos, et au final le peu de facilité avec lequel il traite ses lecteurs en fait un auteur jeunesse majeur, proposant des livres intelligents, pas épargnant pour un sou, et d’une richesse au départ insoupçonnée.
On n’oubliera pas, également, tous les petits clins d’oeil lugubres que Snickett glisse dans ses écrits, à commencer par le nom de nos orphelins pleins de spleen, et même de ce M. Poe, qui ne respire pas la joie. C’est également très amusant de se dire que Baudelaire a traduit Poe, et que de manière imagée, c’est ce que font en permanence les orphelins avec notre cher M. Poe.
L’intrigue coule toute seule, même si le ressort final est un peu convenu (je me rappelle l’avoir deviné avant la fin à ma première lecture). Ce tome n’est pas à mettre dans la pure ligne directrice de la saga, étant en fait un point de départ un peu à l’écart des récits auxquels nous aurons droit par la suite.
A n’en pas douter une lecture jeunesse de très grande qualité, qui n’abrutit en rien l’adulte curieux qui voudrait se lancer dans cette saga vertigineuse et, évidemment, désastreuse.