Jean-Pierre Kalfon, né à Paris en 1938, a écrit, avec la collaboration de Philippe Rège [spécialiste de cinéma et ayant aussi participé à l’écriture des souvenirs des acteurs, Jacques Dufilho (en 2005) et Françoise Fabian (en 2006)] ses mémoires à 80 ans. Sans chapitres, c’est une succession de souvenirs, écrits sous forme de paragraphes au titre humoristique (se référant souvent au cinéma ou à la littérature) et dont l’introduction est, parfois, un extrait de chansons de l’auteur (JPK Chansongs), dans un style drolatique, gouailleur, truffé de calembours et de néologismes, très parlé voire argotique mais riche en vocabulaire et que préfigure le sous-titre du livre, « Souvenirs rock’n rôles ». Tout un programme ! Son récit relève du one man show grâce au style, en rendant agréable la lecture. L’ordre des souvenirs est généralement chronologique : l’enfance d’abord, dans une famille modeste (Suzanne Lascaux, catholique, et Charles, juif natif d’Algérie), avec l’éveil précoce à la sexualité, études jusqu’en 3e, sans passer le BEPC, une adolescence picaresque (cf. la fugue en Belgique à 15 ans), inscription dans une école de dessin (début de sa cinéphilie) puis dans l’Ecole des métiers d’art, puis au cours Dullin. On est loin du récit de Françoise Fabian, aux souvenirs trop sérieux et tristounets. Il devint l’amant de Janine Gallimard, rescapée de l’accident automobile qui avait tué son mari, Michel, et l’écrivain Albert Camus. Son premier film (cité au bout de 111 pages) est « Le septième jour de Saint-Malo » (1959) de Paul Mesnier. Il évoque ensuite sa relation amoureuse avec l’actrice et chanteuse, Valérie Lagrange, puis le décès de sa mère. Il parle aussi de sa sœur Martine, cadette de 11 ans, qui mourut, en 1996, à 46 ans, d’un problème cardiaque (absence d’artère coronaire droite). Il évoque également Elisabeth Lamy, la mère de sa fille, Wendy, veuve (après le suicide de son 2e mari qui s’était défenestré alors qu’elle avait 16 ans). Elle a sombré dans la drogue et est morte 12 ans après sa greffe de foie. Les problèmes sentimentaux de Jean-Pierre Kalfon avec Valérie Lagrange et Elisabeth Lamy ne sont pas passionnants ainsi que ses aventures sexuelles. Idem pour sa consommation de drogues en tous genres dont il s’est désintoxiqué avec difficulté. Il passe en revue, ensuite, ses téléfilms avant de revenir au cinéma, et sa carrière internationale et termine par ses courts métrages (heureusement que sa filmographie est rappelée en fin d’ouvrage). L’évocation de sa carrière de chanteur est assez confuse (pas de dates et personnes citées inconnues du grand public) et ennuyeuse. Le problème des souvenirs des acteurs est qu’ils énumèrent leurs films, beaucoup plus nombreux que ceux d’un réalisateur, d’où une liste un peu fastidieuse, surtout si on n’a pas vu leurs films. Sur 93 films tournés, je n’en ai vu que 6 soit à peine 6 % ! Difficile d’apprécier ses commentaires sur des films non vus. D’autant que beaucoup sont loin d’être des chefs d’œuvre et que Jean-Pierre Kalfon a rarement le rôle principal (il est catalogué « bad boy »). A lire comme un témoignage sur une époque où tout était possible… Jean-Pierre Kalfon a voulu être exhaustif, d’où d’un livre trop long (351 pages) et pas toujours passionnant. A considérer comme une psychanalyse, l’acteur couchant sur la papier tous ses souvenirs, façon détournée d’exprimer ce qu’il n’a pu dire, entre autres, à ses parents (surtout sa mère, morte en 1965, d’où le titre) et sa sœur. Heureusement qu’il a de l’humour et qu’il pratique l’autodérision, n’étant pas toujours à son avantage dans les situations qu’il décrit. Ce manque d’ego le rend attachant.