Univers à tiroirs !

Une famille royale au bord du chaos après l'assassinat du roi par son plus ancien conseiller, au beau milieu d'une guerre de voisinage. Deux espèces rivales contrôlant les ascenseurs donnant accès aux 15 niveaux concentriques d'une planète artificielle. Des civilisations plus ou moins technologiquement avancées (entre état féodal et civilisation pan-galactique) luttant ou collaborant en fonction du contexte, toutes à la recherche du contrôle de leurs propres destinées...

Pas de doutes possibles : on a bien à faire à un roman de la Culture.

Banks nous réserve ici une lecture passionnante. Au niveau de l'intrigue d'abord, avec une structure narrative intéressante, des personnages qui se croisent et se recroisent, les motivations de chacun sont très lisibles et l'on se retrouve à vouloir qu'il arrive tout le meilleur pour cette famille secouée par des événements qu'elle ne contrôle pas.

Le monde créé ici par Banks permet surtout un superbe exercice de style : tout est question de niveau. Déjà dans la structure même de Sursamen (la planète où se concentre la majeure partie de l'intrigue) : des niveaux concentriques présentent des particularités marquées, reliés par des milliers d'ascenseurs contrôlés par deux factions concurrentes. Nos protagonistes passent ainsi par des niveaux aquatiques, des niveaux entièrement aériens, et tous peuplés de créatures étranges... La diversité est au rendez-vous, on se prend régulièrement à apprécier la découverte de tous ces environnements, souvent amoureusement décrits par Banks (dans un anglais assez subtil).

Au niveau de la géopolitique de cette partie de la galaxie, on n'est pas déçu non plus. Les espèces, ou civilisations, ont des degrés d'avancement différents : certaines viennent de découvrir la machine à vapeur, d'autres sont capables de parcourir la galaxie en quelques semaines, et tous les degrés de développement entre ces deux extrêmes sont présents. Chaque civilisation tente de contrôler celles qui lui sont inférieures, mais avec ce principe de non-intervention directe, si particulier à la Culture : on intervient, mais dans le feutré, pas ouvertement. Bref, comprendre les motivations de chacune de ces civilisations, les politiques et les ruses mises en place, m'a procuré énormément de plaisir de lecture.

Il s'agit du troisième tome de la Culture que je lis, et je retrouve malheureusement certains défauts précédemment observés dans l'oeuvre de Banks. Certains passages semblent assez hors de propos, et n'ont qu'une utilité limitée pour faire avancer l'histoire; un détail utile pour la compréhension de l'intrigue peut se retrouver noyé dans un chapitre complet, ce dernier pouvant même quasiment être lu comme une nouvelle au sein de l'oeuvre plus générale. De plus, j'ai eu l'impression que le dernier acte est véritablement expédié à 100 à l'heure et, sans être mauvais, n'exploite pas assez la profondeur de l'univers mis en place pendant les 450 premières pages.

Au final, c'est le tome de la Culture dans lequel j'ai pour l'instant le plus ressenti la profondeur de l'univers créé par Banks, la complexité des rapports entre les forces en présence, l'énormité de la tâche que la Culture s'est donnée dans sa quête de développement de l'univers. Quelques passages extrêmement bien sentis livrent également des réflexions intéressantes sur l'ingérence, sur la politique d'intervention militaire, le tout dans un contexte galactique.

Le meilleur mot que je trouve pour décrire "Trames" : grandiose.