Tristes revanches
7.8
Tristes revanches

livre de Yōko Ogawa (1998)

Plongés dans ces onze nouvelles, interconnectées les unes aux autres, Yoko Ogawa nous tient en haleine dans une ambiance souvent mélancolique, voire tragique. A la façon de faits divers, elle présente la vie des différents personnages en clôturant ses histoires sur des déviations désarmantes auxquelles le lecteur ne s’attend généralement pas. Les nouvelles précédentes ou qui suivront, jouant toujours entre le passé et le présent, sont liées par des détails comme des objets communs, événements, lieux ou encore personnages, nous donnant ainsi de nouvelles informations sur les histoires de chacun. Femmes, enfants, objets s’entremêlent, jouant sur des mises en abyme, où l’on ressent très rapidement l’univers étrange, onirique, intriguant mais aussi poétique qui font la marque de l’auteur. Les thèmes chers à Yoko Ogawa comme l’amour et les fragilités qui en découlent, la difficulté à surmonter ses passions notamment, s’imposent dans ce recueil. C’est pourquoi la sexualité, sous forme de sensualité, est aussi amplement mise en avant. Les personnages se perdent ainsi peu à peu dans leurs fantasmes, découvrant la face cachée et sauvage de leur être, au point de ne plus pouvoir revenir en arrière et d’en impacter ainsi la vie de ceux qui les entourent. Ce qui nous déroute d’autant plus est l’écriture tout à fait impassible de l’auteur face aux déviances tragiques et passionnelles des personnages.
On ne peut s’empêcher de suivre chacune de ces nouvelles avec fascination, en attendant impatiemment le détail qui fera écho à une histoire précédente – serait-ce la vendeuse en pâtisserie inconsolable ? ou encore l’amoncellement inexpliqué de kiwis dans une poste abandonnée ? – et inversement en essayant de deviner lequel pourrait être développé dans une nouvelle future.
Cet ouvrage est fascinant par sa force de déstabilisation du lecteur, troublant par notre désir toujours plus ardant de connaître chacune de ces nouvelles et de savoir quelles sont les clefs qui les relient les unes aux autres. Tel un ruban, parfois à la limite de l’invisible, il les rattache en mélangeant passé et présent, et nous fait réfléchir à toutes ces informations pour pouvoir les rassembler et ainsi reconstituer l’histoire de chacun. Inquiétant voire traumatisant par moment dans sa terrible description de l’être humain et de tous ses maux, ce recueil est à l’image même de l’écriture de Yoko Ogawa et nous marque profondément.

À lire ou à relire et surtout à faire découvrir!

Lorde
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le 13 déc. 2014

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