Le grand oublié de Shakespeare

Troilos et Cressida est surement l'une des oeuvres les plus méconnues de Shakespeare. Il y a beaucoup de raisons à cela. D'abord, parce que cet ouvrage s'inspire d'un fait relativement méconnu dans la guerre de Troie, l'histoire de Troilos, et qu'en plus, elle s'inspire davantage d'ouvrages écrit au Moyen-âge à ce sujet que des textes d'Homère ou des tragiques grecs.Pourtant grand amateur des histoires tournant autour de la guerre de Troie, je suis moi-même tombé totalement par hasard sur cette pièce.
Le second défaut de cette pièce est qu'elle tourne, dans son titre, autour de l'histoire de Troilos, jeune fils du roi Priam, et de Cressida, fille du devin Calchas (dans cette histoire, troyen rallié aux grecs), mais en réalité rassemble une foultitude de personnages, d'intrigues liées de façon plus ou moins lointaine à ce sujet, ce qui rend l'histoire confuse. Et les deux personnages éponymes de la pièce sont loin d'être les seuls intéressants, l'histoire faisant la part belle à Hector, Achille, Ulysse, Ajax, Pâris et leurs sentiments et manigances au moins autant qu'aux supposés protagonistes.
Le troisième défaut est qu'ici on oscille constamment entre deux modèles, la comédie d'une part et la tragédie d'autre part, traitant sur le mode burlesque des passages tragiques, ou romantiques - comme la relation de Troïlos et de Cressida, ou encore l'éloignement d'Achille des combats.
A noter cependant, de véritables morceaux de bravoures, qui relèvent le niveau de cette oeuvre a priori mineure, comme l'éloge d'Ulysse à l'ordre et à la hiérarchie, les passages férocement drôles, amenés par le grec Thersite, qui joue ici avec la même saveur que dans d'autres pièces shakespearienne (le roi Lear) le rôle du bouffon plus sage que les fous qui prétendent rire à ses dépends ou encore le personnage d'Hector, profondément humain et chevaleresque à la fois.