« Un démon de petite envergure » considéré comme le chef d’œuvre du poète décadent Fiodor Sologoub (1863-1927) décrit les aventures d’un certain Peredonov, professeur d’école qui rêve de devenir inspecteur. Archétype même de la médiocrité humaine, pire encore, soyons poétiques : Peredonov est un étron sortit du cul de Satan ; Il rêve d’ascension sociale quitte à piétiner tout ce qui bouge y comprit son chat. Il est manipulateur, sadique, inculte, fainéant (par exemple il avance l’horloge de l’école pour finir son cours plus tôt), arrogant et dont la paranoïa se mue peu à peu en une psychose qui aboutira à l’inéluctable…
Je pense que, à l’instar des critiques élitistes qui reprochent à toutes choses de ne pas êtres des chef d’œuvres, j’éprouve une certaine rancœur vis à vis de l’auteur. Il s’est contenté du peu qu’il disposait dans son écriture alors qu’il avait tout pour offrir au lecteur un bijoux du même éclat qu’une production de Goncharov, Tolstoï, Biély… Avant d’acheter le livre j’en avais salivé, déjà parce que j’avais vu sur le net la couvertures des belles éditions de l’âge d’hommes collection classiques Slave. Ensuite je pensais voir entre ces lignes de la virtuosité expressionniste, de la paranoïa à la Strindberg; des descriptions de paysages torturés dignes d’un Chaïm Soutine ou d’un Edward Munch cela pour nous tendre le miroir de la folie.
Je pensais voir des personnages attachants malgré tous les défauts qui encombrent leurs âmes mais hélas il n’y a rien eu de tout cela... Oui vous avez raison, je regarde l’œuvre de haut ! Comme le dit si bien Sacha Guitry : « les critiques sont comme des eunuques, ils savent mais ne font pas ». Ha ha ha ! Pourquoi je n’aime pas ce roman ? Ou plutôt, pourquoi je n’ai pas aimé cette Russie ?
La raison étant que les personnages, exceptés le proviseur et Sacha le collégien, ne sont pas attachants...On sent que l’auteur n’aimait pas ses personnages, qu’il avait écrit ce livre pour dénoncer l'arrivisme, mais l’art de la dénonciation se heurte à un écueil qui amoindrit l’œuvre toute entière : LE JUGEMENT. Au lieu de comprendre, on juge et on condamne. Pas de psychologie, pas de polyphonie, pas de poésie, juste une ville de salauds qui frisent la consanguinité.
Je ne m’attache pas à Peredonov, c’est une ordure intégrale on ne lui souhaite aucun bien alors que dans plusieurs œuvres de fiction le lecteur se range souvent du côté du salaud. Tout le monde aime par exemple Eric Cartman (sauf peut-être une mégère pour qui tout doit transpirer le bon sentiment), il incarne tous nos mauvais côtés, c’est un exutoire vivant, il est tellement mauvais que c’est un martyr, martyr dans le sens où c’est le bouc-émissaire de la création artistique, c’est la créature qui a été élue pour endosser le rôle de la méchanceté la plus noire, qui ose faire ce que nous, les honnêtes gens n’osons pas faire. Nous rions avec Cartman parce qu’il est pathétique, nous rions parce que son double « gentil » Kyle nous sert de boussole sur le plan moral. Nous aimons Cartman car nous nous disons « non ! Il ne vas pas oser » et il le fait et puis nous rions quand il est puni.
Cartman est grand exemple de méchant, un cas d’école ! Grâce à lui nous sommes mauvais par procuration ! Oh j’aurais tant voulu qu’il soit né dans une œuvre russe du XIX e siècle !
Peredonov, lui, est un contre exemple car nous ne voulons pas être complice de ses méfaits. Il n’a rien d’attachant, il n’est pas drôle et l’usage fréquent (toutes les 20 pages) de ses crises de paranoïa du style « untel est mon ennemi – unetelle veut se débarrasser de moi et me remplacer par untel » le rend insupportable et brise le liens d’empathie entre lui et le lecteur. Son cheminement de complaintes et de magouilles arriviste s’essouffle sur une longueur de 500 pages... C’est fatiguant, rébarbatif …Après j'ai bien aimé le style d'écriture simple et efficace (trop efficace ? on saute d'une scène à l'autre).

Oktemuza
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le 20 mai 2022

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