Arrivé au bon moment mais reconnu tardivement. Une convention finirait-on par croire, vu le nombre de plumes injustement boudées en leur temps et encensées à postériori. Concernant Horace McCoy, la raison est toute trouvée : c'était un récalcitrant. Un statut compliqué à porter aujourd'hui, admettons. Mais dans les années 30 à 50, c'était la disqualification assurée. Pas pour rien que McCoy a dû patienter une dizaine d'années avant d'être publié (après un bon coup de polish). Que contenaient donc ses ouvrages de si choquant ? Le fruit de l'expérience.


Chroniqueur sportif, journaliste tout court, comédien, scénariste puis romancier,...c'est peu dire que l'écrivain en a vu des vertes et des pas mûres. Et là c'est du condensé (il a occupé bien d'autres postes et connu bien d'autres galères). Seulement, c'est une entrée on ne peut plus facile pour nous amener à Un Linceul n'a pas de poches. Le héros de l'œuvre, Mike Dolan, est un reporter qui, excédé par la compromission régnant au sein du journal, décide de fonder son propre hebdomadaire. En substance, Dolan est l'alter-égo auquel Horace McCoy transmet son expérience, sa rage et ses pulsions auto-destructrices. À l'orée des années 30, le roman noir opérait une mue décisive en faisant rentrer une peinture sociétale de manière plus ou moins implicite. Chez McCoy (comme chez son personnage) ce sera du sans filtre.


Il reprend l'écriture très directe (énormément de dialogues), mais sinon il marque rapidement sa différence. Non content d'éjecter les convenances une à une (pas de détective privé, pas de mystère), l'auteur va en plus transformer le combat tragique de son héros en réquisitoire ultra-violent contre la corruption régissant la vie politique et l'attitude servile des journaux avec les "élites". Il manquerait plus qu'il se lance dans une défense des idéaux marxistes ? Eh bien Il le fait. Le livre se lit très rapidement, surprend dans ses ellipses et ce refus des jouer avec les codes. Ce qui a à la fois de bons et de mauvais côtés (rebondissements minimes). Mais la dernière partie au cordeau et ce final impitoyable donne à cette croisade une dimension on ne peut plus touchante. Du temps de son passage dans les salles de rédaction, McCoy s'était sans doute rêvé comme Dolan, un Don Quichotte moderne. Il y sera arrivé par procuration, et livre l'un de ces romans noirs qui n'aura jamais de mal à trouver les lecteurs.

ConFuCkamuS
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le 8 mai 2023

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