Critique de Shaynning
BD adulte de 2020, "Chinese Queer" est ce genre de Bd qui comporte une forte dimension philosophique existentielle, un côté de critique sociale et un graphisme assez particulier.Faire un résumé de...
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le 22 mai 2022
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Incontournable Mars 2025
Les romans Unik forment une famille atypique dans la littérature jeunesse, un mélange entre vers libres et fiction. Les Unik sont caractérisées par des phrases courtes dont la forme et la police changent pour former toute sorte d'effets visuels liés à ce qui est écrit. Je donne par exemple les phrases rédigés avec les symboles chimiques des éléments du tableau périodique ou encore cette page où les mots tombent dans une crevasse en plein milieu de la page. Cette créativité éclatée est unique en son genre, sans jeu de mot et traite donc de manière concise, mais percutante un sujet sensible. Ici, il sera question du deuil amical et de la peine de cœur qui peut en résulter.
Un adolescente nous dépeint sa relation avec sa meilleure amie avec fierté et sincérité, on voit qu'il y tient. Néanmoins, alors qu'ils vieillissent et ne fréquente plus la même école, il a de plus en plus l'impression d'être le seul à tenir à cette relation. Il tente toute sorte de stratégies pour lui faire comprendre que leur relation est importante pour lui. Mais malgré sa patience, son empathie et son sens du compromis, rien n'y fait. Peut-être sont-ils rendus ailleurs? Peut-être que sa meilleure amie tient désormais davantage à ses nouvelles amies? Peut-être ne ressent-elle plus le même attachement et donc notre narrateur devient-il le seul à vouloir répondre à ses besoins? Il faudra cependant prendre acte que cette relation est à sens unique maintenant et que si c'est pour en souffrir, peut-être est-il tend de mettre fin à cette amitié?
Je commence à voir apparaitre le thème du deuil amical dans la littérature jeunesse, notamment avec le collectif de La Bagnole "Ma première fois: Huit nouvelles pour les cœurs brisés" ou encore "Pour la vie" dans la collection Tabou, et "Je n'aurai plus peur des migrations" de la maison Courte Échelle. La peine de cœur a longtemps été occultée par la peine amoureuse, ce qui est logique quand on voit à quel point le couple amoureux est encore hissé comme LA réussite sociale entre toutes les relations. Pourtant, les amitiés arrivent bien avant les relations amoureuses dans nos vies et elles façonnent autant sinon plus les personnes que nous sommes de ce fait. En ce sens, il importe d'en parler dans la fiction pour pouvoir les normaliser et permettre à nos jeunes de voir que ça existe et que c'est valide. Les peines amicales font aussi mal, sinon plus parfois, que les peines amoureuses, avec les mêmes effets et la même détresse psychologique et physique. Ça n'a donc rien de banal.
Aussi, ici, nous avons une amitié garçon-fille, qui souffre encore beaucoup du cliché selon lequel nous ne pouvons êtres amis entre genre, que cela tourne fatalement au béguin amoureux. C'est faux, bien sur, des tas d'amitiés entre hommes et femmes peuvent exister, mais je ne les trouve pas souvent en littérature jeunesse sans que cela tourne effectivement à la romance. Je ne dis pas que c'est un problème, au contraire, on devrait avoir un peu plus souvent le parallèle entre amitié et amour ( surtout avec ces centaines de relations toxiques avec des voyons sans cœur un peu partout en littérature en ce moment). Néanmoins, nous n'avons pas souvent des amitiés garçon-filles constantes. Bien que celle qui est esquissée ici se termine, j'apprécie que ce soit une amitié qui rapproche les genres.
Je suis également toujours heureuse de pouvoir lire sur la psyché des garçons, dont les émotions et la santé mentale sont encore trop souvent peu présente, préférant souvent l'action à la réflexion, tel que le stéréotype masculin l'a longtemps voulu. Alors ici, on parle de ses émotions, de ses inquiétudes et de ses anticipations. Ici, on a une belle incursion dans la tête d'un personnage masculin, qui vit des choses bouleversantes sans que cela ne soit forcément entendu. Il y aura une professeur qui va , à deux reprises, s'inquiéter des changements de comportement observés en classe, cette apathie chronique, ce désengagement de la matière scolaire, pour ce jeune qui voit une relation précieuse changer de façon irréversible. Ce n'est pas faute d'avoir essayer de la sauver cette relation, mais comme on dit : " Pour valser, il faut être deux".
Comme l'autrice l'avait explorer dans "Je n'aurai plus peur des migrations", les amitiés changent parce que nous changeons. Que ce soient nos priorités, nos intérêts, notre maturité ou nos aspirations, toute relations demande à ce que ces différents aspects de notre identité et personnalité soient actualisés dans le temps entre les membres, et le décalage entre ces éléments peut apporter des changements dans la relation elle-même. Ici, nous avons un personnage qui tente de changer pour mieux se modeler aux besoins de son amie, mais le soucis est justement là: Devoir changer qui on est pour l'autre, ce n'est pas paritaire et ce n'est pas sain. C'est unidirectionnel et cela dénote que l'énergie à maintenir la relation est seulement d'un côté. L'iniquité est un élément malsain dans une relation, car la relation saine suppose un partage plus égal d'efforts et d'énergie. Surtout, une relation saine n'a pas besoin d'être "achetée", elle est inconditionnelle. Notre personnage perd un temps considérable à jongler sur les meilleurs moyens de faire survivre cette relation qui n,est importante que pour lui, désormais. Il y a de quoi être épuisés et se sentir impuissant.
Heureusement, avec le temps, il réalise peu à peu que ce décalage entre son amie et lui ne fait que grandir et tous ses efforts ne change pas grand chose au fait qu'elle se désintéresse de leur relation de plus en plus. Cela dit, le vide qu'il ressent est difficile à remplir et son impuissance est lié aussi à sa peur de ne pas pouvoir avoir une relation de cette nature un jour. Pourtant, il a un nouvel ami qui semble envoyer des signaux encourageants. Notre narrateur semble avoir de la difficulté à passer de son ancienne amitié à une nouvelle, mais il s'agit d'une première fois, on peut comprendre que ce n'est pas aussi simple qu'il n'y parait.
Je mentionne aussi que tout est une question de point de vue et de besoins. Il semble que pour cette fille , cette amie, son ami est accaparant et ne semble pas capable de laisser les choses changer. Pour moi, ces deux personnages ne gère pas le changement de la même manière. Pour elle, c'est l'occasion de vivre autre chose avec d'autres gens, alors que pour lui, c'est la continuité et la
stabilité qui importe. Il es aussi plus attaché son amitié qu'elle. Au final, il n'y a pas de "bon et mauvais ami", mais deux ados qui ne communiquent peut-être pas efficacement leurs besoins et leurs attentes en amitié. À leur décharge, c'est une première fois pour eux deux.
Cela m'amène bien sur à songer aux composantes d'une relation. Pour qu'une relation soit saine, il importe que certains éléments soient présents: La confiance, le respect, l'écoute active, la complicité, l'empathie, le plaisir partagé et l’honnête. Bien sur, toutes les relations sont différentes, mais je pense que certains ingrédients sont incontournables. La relation que nous observons ici perd des plumes sur ces éléments et c'est un indicateur assez révélateur que les choses ne vont plus bien. J'ai envie d'ajouter que lorsqu'une relation devient souffrante pour l'un et/ou l'autre des membres, ce n'est plus vraiment une relation saine.
À travers les nombreuses émotions et réflexions de ce personnage sont révélatrice du déséquilibre et détresse que peut générer une rupture amicale et un deuil amical. Comme toujours, les romans de cette collection invite à la réflexion et l’introspection de notre côté, car les thèmes qu'elle propose sont pertinent et universels. Le tout est, comme tous les Unik, amené avec les fioritures dans la forme et les jeux d'ombre et de style dans la police, rendant le tout dynamique et créatif.
Un autre beau roman sensible, touchant et pertinent, par l'auteur du roman de la même collection "Combattre la nuit à la fois".
Pour un lectorat adolescent, 12-15 ans+ ( peut convenir aux 10-12 ans du lectorat intermédiaire qui s'intéresserait au sujet)
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Créée
le 24 mars 2025
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