Vivement conseillé par un membre du groupe dont c'est si j'ai bien compris le roman préféré à lire et relire.

Donc acte, je me le suis procuré et je l'ai lu.

Paris, 1760. Gaspard, jeune Breton qui a fui la porcherie parentale, se trouve brutalement plongé dans l'univers grouillant et pestilentiel de la capitale, par un été caniculaire. Gaspard se retrouve d'abord pris en main par Lucas, un ouvrier qui travaille au déchargement de billes de bois sur les quais de Seine. Il vivra avec lui sa première relation sexuelle, puis dérivera peu à peu vers la prostitution, éduqué par un libertin pervers, Etienne. Gaspard n'est cependant pas une victime : il veut arriver, et se montre prêt à tout pour quitter à jamais le souvenir de Quimper et de sa mère « qui sentait la truie ». Il pénètre ainsi dans une société huppée et décadente, séduit des aristocrates, connaît la richesse avec l'héritage d'un de ses amants, le baron Raynaud. Il finit par épouser la fille du comte d'Annovres, autre amant. Mais en lui persiste l'odeur méphitique de la porcherie de Quimper... Roman d'apprentissage mené avec une maîtrise et un sens du récit impressionnants – le cloaque urbain est décrit avec une précision hallucinée –, Une éducation libertine retrace l'ascension et la chute d'un homme asservi par la chair.

Voilà pour le synopsis. Ce roman je ne l'ai pas aimé et j'ai eu dix fois envie d'arrêter au milieu mais je ne l'est pas fait preuve qu'il n'est pas si mauvais. En réalité il n'est pas mauvais je tiens à le signaler et peut plaire sans problème.

Le personnage de Gaspard est l'un des points faibles du roman. C'est "la jeune femme inexpérimentée" qui finira par utiliser sa beauté et le désir des autres pour prospérer . Mais changer le sexe d'un personnage archétypal ne suffit pas à le rendre intéressant. En revanche, son désir de réussir, de remettre la ville à ses pieds, n'est pas chez Gaspard un moteur qui l'anime, un mécanisme qui bouge et rend l'action compréhensible, mais il semble apparaître et disparaître tout au long de l'histoire, ce qui ne contribue pas à donner de la cohérence. Pourtant, il y a des moments où le personnage est parvenu à m' intéresser : lorsqu'il se remémore des fragments de sa vie à la campagne ; quand on sait ce qui l'a poussé à quitter sa ville natale ; ou lorsque son esprit ressent le stress du mode de vie auquel il a été contraint. Une éducation libertine entend témoigner de la formation d'un jeune homme inexpérimenté aux mains d'un homme immoral et sans remords, comme en témoigne la citation d'Emile de Rousseau qui clôt le livre. Cependant, le lecteur ne connaît cette intention qu'à la fin du roman et, chemin faisant, les progrès de cette éducation et ses résultats sont à peine perceptibles. L'intention machiavélique qui dirige la vie du jeune Gaspard reste trop cachée et quand, enfin, elle apparaît, elle laisse au lecteur le sentiment qu'elle a été une ressource pas tout à fait bien utilisée.

Le roman boit des auteurs classiques comme Balzac et Diderot .La prose est baroque et orné comme s'il avait été écrit au milieu du 18ème siècle.

Le principal atout de Jean-Baptiste del Amo est son extrême capacité à lier la dilatation descriptiviste du naturalisme au goût moderne de la truculence et de l'irrévérence qui confine à l'eschatologie. C'est pour moi là que le bat blesse. j'ai déjà du mal avec les romans trop naturalistes de Zola qui frise trop facilement le misérabilisme. Ici tout la très longue première partie ma fait penser un peu à Hugo.

Aux passages contemplatifs des « Misérables » : la description des rues du Paris du XVIIIe siècle et de ses recoins les plus sombres rappelle inévitablement les parcours judiciaires de Jean Val-Jean intimement liés à la révolution. À un certain moment, cependant, il devient assez clair que ce que Hugo a mis au service d'une représentation réaliste de la misère morale et sociale, del Amo préfère le lier à un autre type de bassesse morale qui a plus à voir avec les passions de la chair et avec l'observation presque freudienne de ses excréments et excroissances, fluides et autres. Chaque nom est accompagné d'un adjectif du genre "crasseux, pisseux, purulant, suintant. Le vocabulaire du dégueulasse, de l'infâme ,du sale, du croulant, du dégénéré, du pourri, du moisi, du puant, de l'avorté… etc. Et ça s'étale comme ça sur des dizaines et des dizaines de pages … ça à l'air de ne jamais vouloir s'arrêter . On se croirait à un concours pour gagner le prix de la description la plus ignoble possible. Et moi, personnellement j'en avais la nausée, ce que voulais peut-être l'auteur mais franchement ce n'est pas du tout l'effet que je recherche quand je lis. Jean-Baptiste del Amo partage peut être avec Houellebecq un goût extrême pour l' eschatologique burlesque revêtue d'habits de haut rang (mais qui m'ont semblé personnellement plus dégoûtantes que burlesques) : dans "Une éducation libertine", par exemple, on assiste à "l'explosion" des vêtements d'un mendiant couvert de sa propre merde qui meurt devant le héros en se décomposant vivant se désintégrant dans sa propre pourriture.

Avec tout ça il m'a semblé inévitable de me demander si "del Amo" ne s'est pas plus occupé à sourire parfois avec satisfaction dans sa recherche alambiquée de l'eschatologique et de l'abjection corporelle et morale alors qu'il aurait pu affiner davantage le portrait psychologique de son héros et tirer parti des possibilités de son histoire : J'en suis arrivé à penser que le plus drôle dans « Une éducation libertine » c'est que ce que l'on croyait être une histoire d'ascension sociale fini par devenir celle d' un échec social.

La ressemblance avec le parfum de "Patrik Suskind" me semble évidente. Je sais le quel des deux je relirai.

HenriMesquidaJr
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le 31 juil. 2022

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HenriMesquidaJr

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