…Mais à la fin, la vérité est ailleurs, Dieu sait où!



Les mots nous recouvrent, nous enveloppent, comme ils enveloppent Œdipa Mass. Les griffes d’un mort, de morts, d’os, d’un passé, tout ça l’attirant dans une spirale paranoïaque. Les griffes d’un héritage dont elle a été désignée exécutrice testamentaire. Un testament : "A will", en anglais. Une volonté? Cette descente dans l’antre de la folie n’est jamais palpable, comme si on évoluait dans le smog de San Francisco.


Au final, les mots forcent à poser les mauvaises questions, ils déroutent. Les mots induisent en erreur et éloignent de la vérité, ou simplement de la réalité. À quoi bon se servir de la logique, comme un détective ou un scientifique, pour aborder les indices et ce qui se présente comme des faits et en déduire une sorte de conclusion, déjà biaisée par une mauvaise question ou une perception déjà trop personnelle. Poser la question influe parfois sur la réponse, et celle-ci devient comme un écho de celui qui interroge, comme si l’on ouvrait la boite du chat de Schrödinger. L’approche d’Œdipa devient alors binaire : les choses sont, ou elles ne sont pas. Et ce Démon de Maxwell? Et si c’était elle, au final? Triant des molécules dans sa boîte (L’Amérique), participant à l’entropie de la société, de la réalité, de quelque chose où l’approche binaire ne suffit peut-être pas. Et si c’était nous, lecteurs, qui observions la photographie de Maxwell, comme Œdipa le fait dans le roman? Si cette boîte où se terre le démon, c’était ce livre. Nous nous concentrons pour qu’il se passe quelque chose, parce qu’on le veut. Mais au final, il ne se passe rien, car là n’est pas la question. Parce que nous posons la mauvaise question depuis le début.


Nous assistons au périple d’une jeune femme en quête de quelque chose, avant de réaliser que c’est probablement elle qu’elle finira par déterminer. Détachée de tous ses repères, des hommes de sa vie, car c’est au sein de ce chaos, que le miracle pourra subvenir.


"Les miracles étaient bien des intrusions d’un autre monde dans le nôtre, une sorte de carambolage dans une partie de billard cosmique." "La plupart du temps, il s’agit d’une coexistence pacifique, mais du contact peut jaillir le cataclysme."


Et en littérature, c’est ce que nous offre ce cher Pynchon, des cataclysmes, des miracles, qu’ils fassent plus de 1000 pages ou seulement 200.

Templar
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Notes d'un voyage æncré dans le papier

Créée

le 23 juin 2013

Critique lue 905 fois

25 j'aime

12 commentaires

Templar

Écrit par

Critique lue 905 fois

25
12

D'autres avis sur Vente à la criée du lot 49

Vente à la criée du lot 49
SanFelice
10

"Notre beauté réside dans cette aptitude à la circonvolution"

Il y a les écrivains qui tentent de reproduire fidèlement la réalité. Et il y a ceux qui construisent leur propre réalité, inventent leur monde. Thomas Pynchon en fait partie. Depuis des années,...

le 17 nov. 2012

15 j'aime

18

Vente à la criée du lot 49
Sloth
10

Principe d'incertitude

Abusivement déclinée à partir du principe d'incertitude d'Heisenberg, il existe l'idée profane selon laquelle l'observation-même modifierait le déroulement du phénomène observé. En résulte, fort...

le 2 juil. 2012

13 j'aime

Vente à la criée du lot 49
Gregory_Drake
9

Sales habitudes.

Une note ? Non. J'ai pensé à ce putain de paquet de Fines 120 rouge, ces filiformes cancerettes que ma tante laissait traîner sur la table du salon tandis que je m'ennuyais, la nuit, sur le lit de sa...

le 19 oct. 2011

12 j'aime

5

Du même critique

Gatsby le magnifique
Templar
5

The Great Baz Art!

Baz Luhrmann a une vision baroque du cinéma: le 7e art est pour l'Australien un vecteur de spectacle, ça doit être plus grand que la vie elle-même, ça doit déborder à outrance comme si le cadre était...

le 14 mai 2013

102 j'aime

27

Roman avec cocaïne
Templar
9

Dark Was the Night, Cold Was the Ground.

"Cette nuit-là, j’errai longtemps encore sur les boulevards. Cette nuit, je me promis de garder toute ma vie, toute ma vie, les pièces d’argent de Zinotchka. Quant à Zinotchka, je ne l’ai plus...

le 21 mars 2013

82 j'aime

15

Ulysse
Templar
10

BIG BADA BLOOM! (Homer Variations: Aria)

Aux premières pages, sentir comme un brouillard épais qui nous enveloppe, ou plutôt comme la noirceur de la nuit, mais les yeux s'accoutument, c’est bien fait des yeux, et on discerne des formes, pas...

le 26 oct. 2013

69 j'aime

17