"QUI EST VERNON SUBUTEX ?
Une légende urbaine.
Un ange déchu.
Un disparu qui ne cesse de resurgir.
Le détenteur d'un secret.
Le dernier témoin d'un monde disparu.
L'ultime visage de notre comédie inhumaine.
Notre fantôme à tous."


C'est dire si la 4ème de couverture envoie du rêve et du mystère...
Pourtant, de rêve et de mystère, je n'en ai guère trouvés, et lecture achevée, je ne discerne ni la légende urbaine ni l'ange déchu, peut-être faut-il lire la suite pour les découvrir ? Mon petit doigt me dit aussi que je ne dois pas être une fille assez "rock n'roll". Pas assez de drogue, d'alcool et de porno dans ma petite vie transparente. Toutefois mon avis n'est pas exclusivement négatif car j'ai aussi trouvé du bon dans "Vernon Subutex".


A commencer par les deux grands atouts de ma lecture ( en édition audio) : d'abord la prestation incroyablement talentueuse du lecteur, le comédien Jacques Frantz, sans qui je ne serais probablement pas allée jusqu'au bout ; ensuite, élément fondamental s'il en est, le style de l'auteur, une écriture cash, urgente et terriblement efficace, envoûtante.


"Vernon Subutex", c'est le portrait au vitriol d'une société qui ne compte plus ses laissés-pour-compte. Certains d'entre eux s'expriment par cette fiction qui, malheureusement, colle intimement à la réalité, comme une seconde peau. C'est au cœur du malaise social, économique et politique de la France que nous plonge Virginie Despentes ; difficile dès lors de résister à la compassion et au sentiment de culpabilité qui nous oppressent dès les premiers chapitres.


La galerie très fournie de portraits qu'elle brosse est très diversifiée et intéressante mais, pour moi, elle exsude trop de pathos. Il est vrai que je ne suis pas de la génération de Vernon, le personnage principal, et il semble que l'auteur s'adresse d'abord à un public ciblé, celui des nostalgiques des années 80 et 90, une génération coincée dans l'inconfortable grand écart entre enfance de tous les possibles et vie impossible aux pieds d'argile : chômage, sida, illusions perdues, rêves brisés. Un public que l'auteur conquiert sans mérite grâce aux très nombreuses références musicales, culturelles et identitaires. Bonjour le spleen et les gros sabots. Partant de là, je ne vois pas comment un lecteur qui n'entre pas dans ce cadre peut ne pas s'ennuyer un minimum à la lecture de ce premier tome. L'écriture brillante de Virginie Despentes ne suffit pas à éviter la déprime à chaque ligne. Récit noir, trash, aigri. La narration agressive est trépidante mais les personnages sont souvent racoleurs et surjoués. le style cru et direct, j'apprécie ; les lamentations et les clichés, moins. Sentiment persistant de montagnes russes, entre intérêt et indifférence.


En même temps, je ne reste pas insensible à la part autobiographique de l'oeuvre. Quand on sait que Vernon Subutex est son pseudo sur Facebook, on ne peut se sortir de la tête l'idée que Virginie Despentes parle d'abord de son propre parcours. Elle qui s'est faite toute seule et qui a touché à tous les métiers, elle inspire le respect sinon l'admiration. Son roman me laisse au final sur l'impression de vouloir déranger et perturber en criant haut et fort ce que beaucoup pensent tout bas. Est-ce réellement un mérite ?


Vernon Subutex, héros ou héraut du désenchantement sociétal ? Artisan ou victime de sa déchéance sociale ? Un roman "poil-à-gratter" censé secouer les consciences citoyennes amollies ou thriller urbain glauque ? En tout cas, "Vernon Subutex" a tout pour devenir le roman emblématique d'une génération inassouvie.

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le 22 févr. 2016

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Gwen21

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