"Capable de cacher des orages."
Ma rencontre avec ce bouquin a été plus que fortuite. J'ai bien aimé la couverture, on pourrait dire, j'ai aimé l'air qu'arborait James Dean, icone devant l'éternel que je n'affectionnais pas vraiment. Je ne le connaissais pas, à vrai dire, n'ayant vu que "La Fureur de Vivre" et en ayant gardé un bon souvenir, éphémère de surcroit. Je ne connaissais pas Philippe Besson, non plus, et il n'avait rien pour m'attirer. Je ne suis pas un grand fan des auteurs français actuels, je n'aime pas le caractère pompeux qu'ils ont pour beaucoup, se cachant derrière des titres intellectuels et des histoires banales à portée universelle. je trouve ça moche et loupé, souvent. Donc je n'en lis plus.
Mais j'ai vraiment aimé la couverture. Puis j'ai découvert que c'était un roman-choral, chose que j'adore plus que tout, prenant une forme idéale pour tout ce qui touche à la biographie, fictive ou non (je me rappelle de l'excellent "Peste" de Palahniuk). Là, c'était sur James Dean. Bon. Pourquoi pas. Et je peux vous jurer que je bénis le ciel de m'avoir glissé entre les mains ce petit joyau. Je ne cherchais au départ qu'un petit bouquin pour entrecouper mon éprouvante lecture de "L'échiquier du Mal" de Dan Simmons, également une perle mais si sombre, si noire, si dense qu'il est difficile d'en venir à bout d'une seule traite. Mais ces maigres attentes ont vite été effacées, puisqu'autant le dire, "Vivre Vite" est à la limite du chef-d'oeuvre instantané, du headshot littéraire.
On comprend très vite que James Dean est un personnage doué d'une complexité déroutante, toujours dans l'ambiguité, autant sur la vie sentimentale que ses choix de carrière. il est changeant, poétique et intéressé, las et bourré, fulgurant et brisé. Un gars myope aux grandes espérances, n'ayant aucun des standards de beauté de l'époque mais devenant par son esprit et sa manière de vivre une icône générationnelle magnifique. Un mec talentueux, travaillant autant d'arrache-pied qu'il est fainéant. Un somnanbule éternelle, n'ayant à aucun moment trouvé le sommeil, qui venait le chercher de manière impromptu et le laissait la plupart du temps à la porte, et l'entrainant à chercher des bars, des êtres nocturnes ne se permettant plus de dormir. James Dean, c'est une épopée singulière, une aventure à l'échelle de l'humain, mais pas innocente: chaque personne l'ayant croisé garde un souvenir amoureux ou haineux, mais rarement de l'indifférence à son égard. Il ne laissait pas neutre, et s'était fait un devoir de perpétuer sa tache sur les planches et devant les caméras.
Un être désespérément seul, aussi, se livrant parfois soudainement, d'un coup. Un volcan qui n'est jamais rentré en éruption mais qui s'est manifesté à certains, qui en gardent toujours un souvenir doré et éternel. Si la violence qu'il parvenait à porter à l'écran était si déstabilisante, c'est aussi du à ce quotidien aussi tendre et poétique que douloureusement brutal. On ne sait au fond pas trop qui était James Dean, on retire beaucoup de choses de ce roman, l'essentiel étant qu'il était insaisissable pour tous.
Et "Vivre Vite" est exactement ce qui colle le mieux à sa vie. Cet homme qui a présenté bien des facettes, a visité bien des endroits, a marqué bien des gens, mais l'a fait à toute vitesse. Cette vitesse qui ne l'aura jamais quitté, qui l'aura emporté vers un opposé tragique. Tout le roman, est marqué, dans son fond et sa structure (des petits chapitres variant les narrateurs), par cette vitesse, par cette urgence que James Dean avait saisie et dans laquelle il vivait.
Il en reste un bouquin si émouvant qu'il sera difficile de le terminer lorsqu'on connait inéluctablement la fin. Intimiste, juste, somptueux, aussi bref qu'un soupir mais marquant à jamais, rendant peut-être justice à la création du mythe autour de ce personnage si singulier, que certains trouvent injustifié. Lisez ce bouquin, ça ne prend pas longtemps, et vous ne le regretterez certainement pas.