Vivre vite
7.3
Vivre vite

livre de Philippe Besson (2015)

Ma rencontre avec ce bouquin a été plus que fortuite. J'ai bien aimé la couverture, on pourrait dire, j'ai aimé l'air qu'arborait James Dean, icone devant l'éternel que je n'affectionnais pas vraiment. Je ne le connaissais pas, à vrai dire, n'ayant vu que "La Fureur de Vivre" et en ayant gardé un bon souvenir, éphémère de surcroit. Je ne connaissais pas Philippe Besson, non plus, et il n'avait rien pour m'attirer. Je ne suis pas un grand fan des auteurs français actuels, je n'aime pas le caractère pompeux qu'ils ont pour beaucoup, se cachant derrière des titres intellectuels et des histoires banales à portée universelle. je trouve ça moche et loupé, souvent. Donc je n'en lis plus.
Mais j'ai vraiment aimé la couverture. Puis j'ai découvert que c'était un roman-choral, chose que j'adore plus que tout, prenant une forme idéale pour tout ce qui touche à la biographie, fictive ou non (je me rappelle de l'excellent "Peste" de Palahniuk). Là, c'était sur James Dean. Bon. Pourquoi pas. Et je peux vous jurer que je bénis le ciel de m'avoir glissé entre les mains ce petit joyau. Je ne cherchais au départ qu'un petit bouquin pour entrecouper mon éprouvante lecture de "L'échiquier du Mal" de Dan Simmons, également une perle mais si sombre, si noire, si dense qu'il est difficile d'en venir à bout d'une seule traite. Mais ces maigres attentes ont vite été effacées, puisqu'autant le dire, "Vivre Vite" est à la limite du chef-d'oeuvre instantané, du headshot littéraire.
On comprend très vite que James Dean est un personnage doué d'une complexité déroutante, toujours dans l'ambiguité, autant sur la vie sentimentale que ses choix de carrière. il est changeant, poétique et intéressé, las et bourré, fulgurant et brisé. Un gars myope aux grandes espérances, n'ayant aucun des standards de beauté de l'époque mais devenant par son esprit et sa manière de vivre une icône générationnelle magnifique. Un mec talentueux, travaillant autant d'arrache-pied qu'il est fainéant. Un somnanbule éternelle, n'ayant à aucun moment trouvé le sommeil, qui venait le chercher de manière impromptu et le laissait la plupart du temps à la porte, et l'entrainant à chercher des bars, des êtres nocturnes ne se permettant plus de dormir. James Dean, c'est une épopée singulière, une aventure à l'échelle de l'humain, mais pas innocente: chaque personne l'ayant croisé garde un souvenir amoureux ou haineux, mais rarement de l'indifférence à son égard. Il ne laissait pas neutre, et s'était fait un devoir de perpétuer sa tache sur les planches et devant les caméras.
Un être désespérément seul, aussi, se livrant parfois soudainement, d'un coup. Un volcan qui n'est jamais rentré en éruption mais qui s'est manifesté à certains, qui en gardent toujours un souvenir doré et éternel. Si la violence qu'il parvenait à porter à l'écran était si déstabilisante, c'est aussi du à ce quotidien aussi tendre et poétique que douloureusement brutal. On ne sait au fond pas trop qui était James Dean, on retire beaucoup de choses de ce roman, l'essentiel étant qu'il était insaisissable pour tous.
Et "Vivre Vite" est exactement ce qui colle le mieux à sa vie. Cet homme qui a présenté bien des facettes, a visité bien des endroits, a marqué bien des gens, mais l'a fait à toute vitesse. Cette vitesse qui ne l'aura jamais quitté, qui l'aura emporté vers un opposé tragique. Tout le roman, est marqué, dans son fond et sa structure (des petits chapitres variant les narrateurs), par cette vitesse, par cette urgence que James Dean avait saisie et dans laquelle il vivait.
Il en reste un bouquin si émouvant qu'il sera difficile de le terminer lorsqu'on connait inéluctablement la fin. Intimiste, juste, somptueux, aussi bref qu'un soupir mais marquant à jamais, rendant peut-être justice à la création du mythe autour de ce personnage si singulier, que certains trouvent injustifié. Lisez ce bouquin, ça ne prend pas longtemps, et vous ne le regretterez certainement pas.
Wazlib
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleures biographies et Les meilleurs livres de 2015

Créée

le 1 mars 2015

Critique lue 516 fois

1 j'aime

Wazlib

Écrit par

Critique lue 516 fois

1

D'autres avis sur Vivre vite

Vivre vite
Anaïs_Alexandre
9

"On n'échappe pas à son destin."

J'ai lu plusieurs livres de Philippe Besson que j'avais appréciés mais sans plus. Mais je savais qu'un jour je lirai un roman de lui qui m’emballera complétement tant il traite de sujets qui me...

le 10 nov. 2015

5 j'aime

Vivre vite
LisaGross
10

Coup de coeur pour James Dean

C’est l’histoire de James Dean, romancée, rapportée par ses proches, et si bien relatée qu’on ne peu en aucun cas lâcher ce livre. Si, une fois, j’ai dû le faire, pour aller sur internet et chercher...

le 1 juil. 2015

2 j'aime

Vivre vite
Specliseur
7

Oublier l’icône pour découvrir l’individu

J’ai bien aimé la forme de Vivre vite racontant James Dean,via des proches de la famille mais encore des gens du cinéma ou du théâtre. Un ensemble de personnalités choisies mettant en lumière le...

le 11 déc. 2019

1 j'aime

Du même critique

Des fleurs pour Algernon
Wazlib
9

Ceula ne par le pa que de souri et de fleurre

Lu dans un bus, parce que le titre est original, parce que la souris a l'air bien sympathique devant son labyrinthe, parce que les gens en parlent ici ou là, qu'avec de jolis mots. Par sequeu les...

le 26 mars 2014

12 j'aime

3

Cujo
Wazlib
8

Le roman d'un été.

Le vieux conteur du Maine. Stephen King est, de tous les écrivains que j'ai pu découvrir, celui qui raconte le mieux les histoires. Lors de ma première lecture, le volumineux recueil de nouvelles «...

le 1 avr. 2017

10 j'aime

Sleeping Beauties
Wazlib
3

Auroras-le-bol?

Dernier roman de Stephen King traduit dans la langue de Molière, « Sleeping Beauties » nous fait bénéficier du talent de, non pas un King, mais deux King puisque co-écrit avec son fils Owen. Je ne...

le 3 juin 2018

8 j'aime

2