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Lorsque j'ai postulé pour obtenir ce roman en lecture audio, je ne connaissais rien de la polémique qui entourait ce premier ouvrage de l'autrice. J'aimais le synopsis et c'est tout. J'avais sûrement croisé un jour cette photo dans un livre d'histoire au collège ou au lycée mais je n'en gardais pas forcément souvenir. Pourtant j'ai pu rencontrer lors de mes nombreuses lectures le thème de l'épuration sauvage faite à la Libération et c'est souvent un sujet qui me met mal à l'aise car nous n'avons pas vécu cette période, et je ne peux juger les sentiments de frustration pour les uns ou les sentiments d'impuissance pour les autres. Bourreau ou victime, le noir n'est pas toujours noir et le blanc non plus, une période qui ne pouvait tolérer le gris, mais c'est ainsi.


Je vais donc vous donner mon ressenti sur ce roman de par sa forme et je reviendrai dans un second temps sur cette polémique et ce que j'ai ressenti en en prenant connaissance.


J'ai beaucoup aimé la plume de l'autrice dont le vocabulaire reflète parfaitement le niveau social de Simone Grevisse qui va vouloir par tout les moyens s'élever sans jamais y parvenir véritablement. Ce roman est donc une fiction d'une femme qui sera tondue à la fin de la guerre pour sa collaboration horizontale avec l'ennemi. Inspirée par Simone Tousseau, dont les historiens ont retracé les étapes clés de sa vie, Julie Héraclès va combler les trous avec son imagination. Elle nous raconte la vie de cette femme sur une courte journée (libération de Chartres) alternant avec une période plus longue remontant au temps où elle était une élève studieuse. L'histoire est cohérente et réaliste.


J'ai découvert un personnage imbue d'elle-même, fière et orgueilleuse. Bon petit soldat, bonne élève mais pas si intelligente que ça. Ce n'est pas parce qu'elle a de bonnes notes qu'elle est capable de voir le monde dans son ensemble comme il est . Simone ne réfléchit pas, elle va se fondre, elle observe et reproduit les autres toujours dans cette volonté de fuir sa vie qu'elle juge miséreuse.


Aucunement, l'autrice ne dédouane Simone, ne prend son partie ou l'excuse. Elle raconte juste ce qui a pu être sa vie. Son orgueil, sa volonté incommensurable de reconnaissance pour une nation forte qu'elle ne reconnait pas en la France. Cette fascination de cette langue allemande qu'elle aime tout simplement et surtout ces œillères qu'elle porte et qui l'empêchent de voir plus loin d'écouter les autres. Un livre extrêmement bien documenté, très intéressant, où le lecteur reste en recul pour mieux appréhender son histoire et comprendre comment on peut choisir le mauvais camp.


Mais voilà, par certains aspects, il est facile de prendre pitié d'elle, en particulier, son rapport avec les hommes, ce qu'elle a subi, ces situations qui font que finalement ce n'est pas vraiment sa faute, que ce n'est pas véritablement sa faute, qu'elle est un dommage collatéral. C'est cette familiarité, cette empathie que nous ne pouvons que ressentir en lisant cette fiction qui, je pense, est au cœur de la polémique de cet ouvrage.


Car dans la vraie vie, Simone Tousseau est une pronazie notoire. A l'antipode de la réalité historique, Julie Héraclès dresse un portrait d'une femme s'inspirant de faits réels. Trop réels. Je me pose donc la question que lorsque l'on écrit un roman, a-t-on le droit de déformer la réalité, de s'approprier des personnages ayant réellement existés pour en faire une œuvre de fiction, qui va forcément déranger. Est-ce une volonté de choquer ? Une volonté d'avoir une notoriété fulgurante dès son premier roman achevé ? Est-ce que Julie Héraclès a tout simplement prémédité cette controverse pour qu'on parle d'elle ? Simone aurait pu vivre dans une autre ville, aurait pu porter un autre prénom, aurait pu avoir un garçon, aurait pu avoir la même histoire et elle n'en aurait pas été moins intéressante. Mais la volonté de l'autrice de poser une main délicate sur cette épaule de fiction qui ramène à la réalité des faits historique, je peux comprendre que ça ne passe pas.


L'autrice dans une interview affirme avoir pris beaucoup de libertés avec la vérité historique, mais n'est-ce pas de ce fait une sorte de propagande à part entière ? Son roman devient un support de persuasion propageant une opinion fausse influençant par la même le lecteur en lui procurant de la sympathie. Sorte de manipulation mentale en mêlant vraies et fausses informations.


Je suis donc plutôt dubitative sur ce roman, que j'ai trouvé plaisant à découvrir mais je ne peux m'empêcher de le dissocier à la réalité des faits. Julie Heraclès voulait humaniser son personnage, c'est chose faite. Suis-je capable de sortir du contexte, sans doute moins et donc ça me dérange tout simplement.


exuline
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le 20 févr. 2024

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