Je n’ai pas aimé Voyage au bout de la nuit. J’étais pourtant plein d’attentes, d’envies, d’espoirs. Mais rien n’a fonctionné.


Tout commençait pourtant bien, avec ce style unique et percutant, de prime abord lourd et perturbant. Pas un souci en soi : Au Cœur des Ténèbres de Joseph Conrad possède également un style difficile à appréhender et c’est un de mes livres préférés. Le style n’est d’ailleurs pas la seule ressemblance entre les deux œuvres. Le livre de Céline et celui de Conrad partagent ainsi plusieurs thématiques telles que le colonialisme, la folie humaine ou encore un pessimisme constant.


La nouvelle de Conrad contant les aventures de Marlow et sortie 33 ans avant Voyage au bout de la nuit frôlait pour moi la perfection non seulement grâce à son style violent mais incisif, pesant mais lourd de sens, mais aussi grâce à sa durée, suffisamment courte pour être pertinente et ne pas tomber dans la diarrhée stylistique vide de sens. Céline possède un style unique mais qui s’approche de celui de Conrad dans de nombreuses situations et, là où cela marchait parfaitement dans une nouvelle d’une centaine de pages, c’est une torture de lourdeur dans un roman de 500 pages. D’autant plus quand il ne se passe quasiment rien d’intéressant dans ledit roman.


Car Voyage au bout de la nuit aurait aussi bien pu s’appeler Chroniques de l’ennui ordinaire tant ce qui s’y passe est tout à fait inintéressant. Et raconter des choses inintéressantes avec un style pompeux n’a jamais rien arrangé, du moins en ce qui me concerne. Bardamu, le héros, est l’incarnation même du pessimisme. Il faut dire que face à ce qu’il affronte (le terrible ennui de son quotidien), il a des raisons de l’être. Mais peu importe ce qu’il aura à supporter, ce sera moins pénible que ce que le lecteur devra endurer de son côté.


Car au bout d’un moment, on a compris le message. Je ne partage personnellement pas ta vision extrêmement pessimiste du monde, Céline. Je suis même de nature plutôt optimiste, tu vois. Alors ta vision dégueulasse de la société je l’entends, je peux la comprendre. Mais je ne la partage pas. Aussi le fait que tu me la régurgites sur le visage pendant 500 pages m’a passablement agacé.


Autre vecteur de frustration, on n’a pas l’impression à la lecture que Bardamu est acteur de quoi que ce soit. Il est le héros mais il est passif. Sa vie se déroule devant lui sans qu’il ne daigne y toucher, de peur de s’y salir les mains. Alors il la regarde s’écouler, lentement, tout en s’en plaignant et en la critiquant largement. Et de ne pas oublier de défoncer le voisin au passage. Insupportable et probablement symptomatique de la société qu’il décrit.


Je ne peux pas nier qu’il y a quelques moments de brio négatif dans Voyage au bout de la nuit. Certaines tournures sont parfaites et certaines attaques de la société sont magiques de pertinence. Mais cela vaut-il la peine de s’infliger des heures et des heures d’ennui pour profiter de quelques très rares moments de grâce ? Céline aurait indéniablement répondu oui. En profitant desdites heures d’ennui pour cracher sur le monde. En ce qui me concerne, je répondrai non. Découvrir ce livre fut intéressant. Le terminer fut une perte de temps. Et du temps, contrairement à Céline, je n’en ai pas à perdre.

VGM
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Odyssée Littéraire 2016

Créée

le 12 mars 2017

Critique lue 3.2K fois

10 j'aime

5 commentaires

VGM

Écrit par

Critique lue 3.2K fois

10
5

D'autres avis sur Voyage au bout de la nuit

Voyage au bout de la nuit
Vincent-Ruozzi
10

Le pessimisme sublimé

Voyage au bout de la nuit, le premier roman de Louis-Ferdinand Céline, n’est pas une œuvre ordinaire. D’une part pour la qualité du récit et d’écriture. D’autre part pour les convictions et...

le 9 avr. 2015

98 j'aime

13

Voyage au bout de la nuit
-IgoR-
10

Illustre inconnu

J’ai rencontré Céline par un hasard des plus fortuits. Comme ça. Un beau matin pas plus gris qu’un autre. Un jour comme y’en a pleins. Pourtant on se connaissait déjà tous deux, sans le savoir...

le 17 nov. 2014

86 j'aime

21

Du même critique

Rayman Legends
VGM
9

La meilleure déception de l’année

Mon attente sur Rayman Legends a soufflé le chaud et le froid. D’abord ébloui par un premier trailer leaké, puis refroidi par des annonces marketing totalement illogiques sur l’exclusivité Wii U,...

Par

le 4 sept. 2013

68 j'aime

19

Le Meilleur des mondes
VGM
6

Pas la meilleure des lectures

J'ai tellement de livres à lire, et tellement de classiques à emprunter à droite à gauche que je suis rentré depuis maintenant un bout de temps dans une phase où je n'achète presque plus de livres,...

Par

le 3 févr. 2015

61 j'aime

16