J'ai perdu énormément d'objectivité vis à vis de ce livre. Il est malheureusement malmené, écorché, démystifié par une partie de l'élite politique, médiatique et littéraire. C'est par là que je vais débuter ma critique.


Il est extrêmement dommageable qu'une oeuvre -quelqu'elle soit- fasse office d'argument presque sacro-saint pour parler d'un auteur. L'actualité récente a même aggravé ce fait.


L'idée, chuchotée à demi-mot, d'une réédition prochaine des pamphlets à fait ressortir de le débat habituel de la séparation de l'oeuvre et l'auteur (séparation stupide mais là n'est pas le sujet). Et comme toujours avec Ferdinand nous avons eu le lot de ces "Céliniens" autoproclamés, adorant "la verve du voyage", haïssant "celle de bagatelle". C'est ce qui est bien avec le voyage, il permet de mettre en lumière les faux amateurs. En effet, aucun d'entre eux n'a l'idée d'opposer à la triplette pamphlétaire maudite "Guignol's Band", "Casse Pipe", "D'un château l'autre" ou que sais-je encore. Les plus téméraires évoqueront un vague souvenir de "Mort à crédit" mais ça n'ira jamais plus loin. Et c'est bien là le problème. Aussi extraordinaire soit cet ouvrage, il finit par occulter le reste de l'oeuvre du Docteur Destouches. Et pourtant, de son propre avis (et du mien) il ne s'agit pas là de son meilleur roman puisque son style n'était pas totalement abouti.


Après cette -trop- longue introduction (justifiant le 9 plutôt que le 10), penchons-nous sur ce livre qui a, à coup sûr et peut-être plus que tout autre, marqué le XXème siècle (et mon esprit par la même occasion). Je ne vais pas revenir sur la trame narrative que tout le monde connaît plus ou moins. Nous sommes face à Ferdinand Bardamu qui nous entraine dans un voyage à travers la guerre, la colonisation, le capitalisme puis la misère sociale. Inutile également de revenir sur la portée autobiographique de cette oeuvre. La force principale de ce livre, c'est évidemment le style. Celui qui a divisé, choqué, qui fut conspué ou loué. La tentative d'un homme de se battre tellement violemment avec sa feuille, qu'il finirait par y porter le langage parlé. Evidemment, à mes yeux, il s'agit d'une réussite. Le style, ce par quoi "on juge l'homme" (citation librement adapté d'une interview de Céline de 1958), est magnifié dans ce bouquin. L'argot mêlé à des tournures soutenues transportent littéralement, renvoient à la dualité même du lecteur. Il est évident que ce style ne peut convenir à tout le monde (notamment les plus Proustiens), mais on ne peut enlevé la puissance verbale, les images, les descriptions, la philosophie nihiliste développées ici.


Néanmoins, il ne s'agit pas là, d'après moi, de l'oeuvre phare de Céline. Elle est a cherché plus loin dans le temps et notamment quatre ans plus tard avec Mort à Crédit. Le voyage reste le déclenchement de ce torrent littéraire, l'ouverture de la boîte de Pandore refermée en 1961 avec l'espoir toujours bien enfoui dedans.

SandersF
9
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le 8 févr. 2018

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SandersF

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