W seul, E disparus, D coupés par la grande H de l'Histoire

Il y a dans ce roman deux histoires parallèles qui ne se répondent pas. D'une part les fragments de souvenirs d'enfance de George Perec oubliés, fantasmés ou reconstruits et d'autre part W, une utopie inventée par Perec à l'âge de treize ans dont le scénario tient en moins de deux lignes: c'est la vie d'une société exclusivement préoccupée de sport, sur un îlot de la Terre de Feu.


L'histoire de W est elle-même en deux parties : une enquête sur la disparition d'un enfant orphelin puis, et cela n'a aucun rapport avec la première partie, l'organisation détaillée des compétitions sportives à tous les niveaux d'une société totalitaire, ce qui paraîtra intéressant à ceux qui, comme moi, suivent les compétitions sportives mais pourra paraître fastidieux pour les autres, qui pourront facilement faire l'impasse sur ces chapitres écrits en italique, dans un style journalistique et ne parlant que du sport d'une façon assez redondante.


Les souvenirs d'enfance sont une sorte d'autobiographie à la fois bien documentée et partiellement inventée où Georges Perec (le nom de sa famille est Peretz) ne se dévoile pas, lui qui se fait un point d'honneur à éviter toute incursion du Moi dans ses autres livres, mais essaie de faire retrouver au lecteur la dernière pièce du puzzle comme dans La Vie Mode d'Emploi :la blessure secrète due à l'absence de ses parents (Eux) conséquence de leur Disparition dans les camps de concentration.


Et l'histoire de l'organisation de W, cet état dans l'état où la compétition sportive prime sur tout le reste est (peut-être) une manière de faire le rapprochement avec une autre organisation au double S, l'idéologie totalitaire nazie.


Contrairement à son apparence ce roman est simple à lire. Georges Perec est tout sauf un philosophe se prenant au sérieux. C'est plutôt un as de la plume, des jeux de mots (ou de maux) et des jeux de lettres faisant le pari de changer de modèle de narration à chaque roman et distillant des informations au compte-goutte pour que le lecteur puisse voir une unité cachée dans son œuvre, pour lui prouver qu'elle n'était pas seulement placée sous le signe de la pure virtuosité.

Zolo31
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le 13 sept. 2017

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