Le cas Witch World, ou la place de la fantasy dans les années 60

Les éditions Mnémos se présentent depuis quelques décennies comme le fer de lance de la résurrection d'auteurs oubliés ou annexés sur notre territoire. Mais ce travail ne finit jamais véritablement, et il continue avec Witch World, de André Norton, une fantasy féministe d'avant garde parue en 1963, vendue à l'époque comme un récit de science fiction. Elle retrouve ici toute sa superbe éditoriale, avec une couverture somptueuse d'Abel Klaer et une préface conséquente de l'autrice Mercedes Lackey.


André Norton, ou Alice Mary Norton de son vrai nom, est une autrice américaine majeure et prolifique, dont la cinquantaine de romans et la carrière multi récompensée suffit à prouver sa renommée. Elle n'a cependant eu qu'une maigre couverture éditoriale sur nos vertes contrées, et bénéficie avec Mnemos d'une première intégrale d'un des cycles de sa saga phare : Witch World, ou Les Aventuriers du Monde Magique (on comprend le choix d'avoir gardé le titre VO). Composée de deux romans, ces deux romans sont centrés sur le personnage de Simon Tregarth, soldat de formation de notre monde actuel et qui, poursuivi par une organisation, n'a d'autre choix que d'emprunter un passage vers un autre monde. Arrivé dans un univers obéissant aux règles magiques et régi de manière matriarcale par des Sorcières, il devra faire face à la menace des Koldariens et espérer trouver sa place dans un monde qui n'est pas le sien.


Witch World se veut donc être un récit d'aventure avec une bonne dose de sword and sorcery, avec pour principale qualité d'évoquer des protagonistes féminins fortes et indépendantes à une époque où Conan le Barbare mène la danse. Simon se retrouve, malgré sa place de protagoniste principal, souvent relégué au second plan face à d'autres personnages féminins amples comme Loys de Verlaine, protagoniste gothique par excellence.


Et oui, pour l'époque, ce récit est avant-gardiste comme jamais lu auparavant, avec des protagonistes féminins qui ne servent pas de faire-valoir à Simon, mais qui possèdent bel et bien leurs propres envies et leur propre combat à mener. La complexité du Monde Sorcelé ne se trouve pas qu'au niveau des protagonistes, mais aussi dans son lore riche, ouù magie et science mènent un combat acharné, et où la question de l'utilisation d'armes qui nous dépassent est au centre du débat.


Mais si cette place réduite donne lieu à un protagoniste principal assez creux et sans profondeur, le récit se lit agréablement et sans heurts grâce à la plume précise de André Norton, qui ne se perd jamais en divagation futile, et sait malgré tout amener des questionnements intriguants autour de Simon.


Witch World est donc une nouvelle pierre à l'édifice de résurrection éditoriale de Mnemos, qui ne cesse de confirmer son statut d'éditeur de qualité, comme un certain Callidor...



Créée

le 2 mai 2023

Critique lue 78 fois

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