Fragile
7.7
Fragile

Morceau de Sting (2002)

De tous temps et en tous lieux, on m'a toujours considéré comme un colosse. Effectivement, je suis grand et gros. Certains diront que ça impose le respect dû à une physionomie avantageuse " si on compare " à la moyenne. Et, oui, on cherche souvent à me confronter uniquement pour se prouver quelque chose comme la force ou compenser le complexe du petit bonhomme. Pourtant, s'il y a bien quelqu'un qui ne cherche pas la merde, c'est moi. Ça fait d'ailleurs partie de mon aversion du genre humain de voir à quel point les gens doivent faire chier les autres gratuitement ou encore par compensation de je ne sais quelle faiblesse, tare, imbécilité. Quoiqu'il en soit, on revient à nos moutons, je suis imposant et ça fait chier le gratin masculin. Cependant, pour une raison que j'ignore, on a décidé de m'affubler d'un quartier général émotif complètement contraire. Et tant qu'à faire des confessions, aussi bien y aller all-in quitte à passer pour un demeuré de classe élite.


La peur. Je me dois de l'avouer, la peur, la crainte faisait partie intégrante de mes schèmes mentaux. La brute a l'école, mon père, mes travaux scolaires, mes chicanes d'amis, les intimidateurs, peu importe, je me promenais dans la vie avec une angoisse constante. On pourrait corriger la peur en remplaçant le mot par anxiété. Seul dans mon lit le soir, le petit garçon que j'étais écrivait ses pensées dans mon agenda qui servait bien plus à mes angoisses qu'à mes devoirs. Pourtant, je n'en soufflais mot à personne afin d'éviter le jugement. J'étais grand, assez costaud. De quoi allais je avoir l'air en ouvrant mon coeur. Le père est un héros pour le gamin. Jamais je n'allais le décevoir en lui exprimant mes craintes. Mes amis riraient de moi sachant que devant les camarades, on se la pète caïd. Donc, solution maison, fermer ma gueule et composer avec mon manque de couille. Je m'étais confié en bribes à ma mère tout en camouflant le noeud du problème. Selon elle, une trop grande sensibilité de la part de son fils. J'ai compris le sens réel ( et non une interprétation de l'enfant) de ses propos des années plus tard. En effet, un rien m'égratigne, une remarque m'atteint, un commentaire et je m'insurge. Avec le temps, on s'endurcit certainement toutefois, l'enfant lui, ne le sait pas. Devant le miroir, nul doute que ce qui me caractérisait le mieux comme mot était fragile.


Le temps adoucit les moeurs selon le proverbe. Encore une fois, je marche en sens contraire. J'ai tendance à ressentir à retardement pour une raison particulière. L'émotion fait son chemin jusqu'à moi, est bloquée momentanément par je ne sais quel mécanisme de défense puis ressort quand ça lui chante un peu plus tard. On s'économise sur le coup en espérant que lors du retour la douleur sera atténuée par le temps. Ce n'est pas toujours le cas néanmoins on le prend quand ca passe. Sting a probablement bien compris à quel point l'humain fera tout pour se protéger de l'adversité afin de ne pas exposer sa propre fragilité. On se bat, se cache, attaque, s'associe, s'équipe mais malgré tout, on ne veut pas avouer ses faiblesses, sa vulnérabilité. Être perçu fragile à une connotation péjorative chez l'homme. Or, on sort les masques et on continue...


La douceur de la chanson symbolise adroitement la fragilité de la vie. Un proche peut disparaître trop tôt. Un événement météorologique peut raser une ville entière. Une seconde d'inattention et l'auto dérape et fonce dans un mur de ciment. Un enfant que tu tenais dans tes bras est devenu un adulte et cet accès à tes bras t'est maintenant refusé. Le temps a ainsi fragilisé l'affection. Je suis devenu plus fort grâce à eux d'ailleurs. La peur ressentie avant a disparu à leurs naissance comme si pour moi-même, je devais demeurer en retrait, subir la crainte par autosabotage. Pour l'autre, je me dois d'être fort et protéger les plus vulnérables. L'âme du justicier a probablement prit vie dans ma jeunesse avec des Spiderman, Superman et Rambo. Il aurait fallu me donner le mémo qui stipule que j'ai le droit de me défendre aussi.


La sensibilité sera toujours ma fêlure. Cette fragilité ne disparaîtra jamais totalement. Cette fissure a la malchance de constituer une certaine faiblesse. Mais comme Cohen le dit si bien: " Chaque chose a sa fissure. C'est par là, que peut entrer la lumière "...

Créée

le 25 mars 2025

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Johnny B

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