La marche nuptiale

C’est une des chansons les plus étranges du répertoire de Georges Brassens. Il y chante un cortège nuptial sur un rythme très lent, celui d’une marche funèbre.

Je garderais toujours le souvenir content

Du jour de pauvre noce où mon père et ma mère

S'allèrent marier devant Monsieur le Maire.

Déjà, enlevons-nous toute idée autobiographique puisque Brassens, né en 1921, est le fils d’un père et d’une mère, dûment mariés en 1919. Certes, sa mère était une catholique fervente, veuve de guerre, et son père un maçon, anticlérical et athée. Ce qui me les rend, d'ailleurs, tout-à-fait sympathiques et si proches …

Il faut plutôt voir une vision du mariage qui, chez Brassens, s’apparente à un exercice inutile voire destructeur de l’amour.

C'est dans un char à bœufs, s'il faut parler bien franc,

Tiré par les amis, poussé par les parents,

Que les vieux amoureux firent leurs épousailles

Après longtemps d'amour, longtemps de fiançailles.

Contrairement à l’usage qui fait du mariage une consécration ou un aboutissement de l’amour et en tous cas, une fête normalement joyeuse, Brassens y voit plutôt la fin de l’amour pur, de l’amour idéal et même, quelque part, la transformation de l'amour sincère en un esclavage, en des contraintes de la vie en commun, en bref, de la routine. Plusieurs chansons de Brassens témoignent de cette façon de voir à commencer par "la non-demande en mariage" puis par "Pénélope". Et peut-être le poème d'Aragon, "il n'y a pas d'amour heureux"

Ce poème, construit en alexandrins, est de toute beauté lorsqu'il décrit combien la nature, bien faite, s'oppose de toutes les façons possibles à ce mariage de pauvres où le vent souffle le chapeau du père, la pluie s'invite, empesant bien ses gouttes et la mariée est en pleurs …

https://www.youtube.com/watch?v=HoWx3-zfnF4