Last Call
7.2
Last Call

Morceau de Kanye West (2004)

Nous sommes en 2023 et Kanye West semble désormais plus tenir du marronnier que de l'artiste. Les journalistes attendent avec impatience son prochain dérapage pour produire du contenu facile, prêt à l'emploi. Quand on est malade, on a pas besoin de se forcer pour que cela sorte.



Certains auditeurs lamentent la disparition du "Old Kanye" , celui des premiers albums, qui faisaient des morceaux chaleureux, imbibés de soul. "The College Dropout", c'était quelque chose. Et cela se terminait d'ailleurs sur cette étrange pièce qu'est "Last Call" .



"Last Call" est une énigme. C'est un titre inattendu, hors normes. Cela débute par un Jay-Z insultant West pour l'avoir emmené dans cette galère. Puis Kanye arrive et propose un dernier toast. C'est la fin de la soirée, on ferme messieurs dames.



Parfois quand nous sommes proches du terme, nous avons envie de revenir à nos débuts. Alors Kanye se souvient. Comment il en est arrivé là. Et ça divague. Ça parle, ça parle, plus de douze minutes de mots tourbillonnant au-dessus d'un rythme immuable, imprégné d'une mélancolie suffisamment légère pour qu'on veuille la laisser tourner sans nous blesser.

Impossible de l'arrêter, un souvenir en appelle toujours un autre. Contrairement à nos habitudes actuelles, Kanye effectue ici un dérapage des plus contrôlés, la permanence du beat agissant comme un fil rouge tout comme les barrières sur un circuit évitent les accidents graves au prix de chemins plus balisés.



On n'aime jamais entendre le dernier appel pour les boissons. Il y a comme une odeur de tabac froid dans "Last Call". L'alcool renversé rend le sol collant. Des confettis sur l'épaule, on écoute un peu pété quelqu'un s'emballer furieusement sur un sujet. Sa passion est telle que les codes de la conversation n'ont plus lieu. Alors on se tait et on écoute, délicatement bercés par ce retour en arrière qui nous donne envie d'aller de l'avant.



Face à un "College Dropout" finalement bien sage et cadré, construit sur une formule immuable et efficace, "Last Call" s'impose comme une anomalie, un indice de ce qui se passe lorsqu'on laisse (légèrement) Kanye sortir des rails.



En 2016, au beau milieu d'un concert, Kanye fera une violente décompensation psychotique. Plus rien ne sera jamais vraiment pareil après cet événement.

Aujourd'hui pourtant, celui-ci est simplement relégué à la longue liste des "anecdotes" entourant le rappeur.



Si c'est à la fin de la foire que l'on compte les bouses, il est facile de ne s'intéresser qu'à celles-ci.

On ne regarde que ce que l'on a envie de regarder

Mellow-Yellow
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes #23 et #31

Créée

le 15 févr. 2023

Critique lue 9 fois

1 j'aime

Mellow-Yellow

Écrit par

Critique lue 9 fois

1

D'autres avis sur Last Call

Last Call
Mellow-Yellow
8

Léger tremblement du paysage

Nous sommes en 2023 et Kanye West semble désormais plus tenir du marronnier que de l'artiste. Les journalistes attendent avec impatience son prochain dérapage pour produire du contenu facile, prêt à...

le 15 févr. 2023

1 j'aime

Du même critique

What’s Going On
Mellow-Yellow
10

"I go to the place where danger awaits me. And it's bound to forsake me."

C'est quand même incroyable qu'un tel album n'ait pas encore de critique dithyrambique à son égard. 8.0 de moyenne SC, classé 6ème meilleur album de tous les temps par Rolling Stone, dotée d'une...

le 29 janv. 2014

76 j'aime

20

Philadelphia
Mellow-Yellow
8

"It's like Seinfeld on crack"

"It's Always Sunny in Philadelphia" est une série assez atypique lorsqu'on s'y attarde. Si on ne prend que son synopsis, c'est une sitcom stéréotypée comme il en existe des dizaines : une bande de...

le 9 mars 2014

36 j'aime

Luv(sic) Hexalogy
Mellow-Yellow
9

It's funny how the music put times in perspective

Treize années s'écoulèrent entre la naissance de "Luv(sic) Pt. 1" et la publication de la sixième et dernière partie, "Luv(sic) Grand Finale", jusqu'à la publication en CD deux ans plus tard. De...

le 9 févr. 2018

32 j'aime

11