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L’Effort de paix
7.6
L’Effort de paix

Morceau de Lunatic et Sir Doum’s (2000)

Banditisme de classe et dégout de la police

Banditisme de classe et haine de la police.


Cette critique cherche à établir des liens entre quatre thèmes qu'on trouve régulièrement dans les textes de Lunatic :
1/ Le racisme.
2/ la lucrativité du crime : "le crime paie"
3/ la haine de la police : "chante pour que les porcs rampent"
4/ la dignité.
Ces thèmes : le racisme, l'illicite, la police et la dignité sont tous ici pensés d'un point de vue politique. Le but peut même être de comprendre grâce à Lunatic, tout ce que la question de l'illicite ou la question de la dignité peuvent avoir de politique.


I/ Racisme et illicite. Se faire justice soi même.


Ce son, principalement le couplet de Sir Doum's, parait revenir sur l'idée du premier maxi de Lunatic : le crime paie. Mais cette idée est vue sous un angle bien plus politique car elle distingue deux camps, deux classes. En ce sens, ce son parait être une charnière entre le problème du racisme que l'on trouve, par exemple, dans l'intro de Mauvais Œil, et entre la question de l'illicite que l'on retrouve dans le classique : le crime paie.
Ce son nous permet donc de lier ces deux thèmes : l'illicite et le racisme. le crime serait l'arme qu'on utilise contre une société hiérarchisée en race. Voyons ça avec le couplet de Sir Doum's :


"Ici y'a pas d'blé, mais rien qu'des voraces venant du bled
Et sur mon palier, ça sent que l'maffé, le couscous ou l'tiep
En tout cas pas l'porc ou bien l'cassoulet
Comme chez les gens chez qui j'vais cagoulé
Puis m'taille avant qu'les poulets s'mettent à débouler"


On retrouve clairement une distinction entre deux classes économiques : les "voraces venant du bled" et ceux qu'on cambriole. Mais cette distinction économique se base sur une distinction de couleur et de culture : le pauvre c'est celui qui vient du bled ou encore celui qui mange du couscous, c'est le banlieusard issu de l'immigration. Le riche c'est celui qui mange du cassoulet, c'est à dire du porc.


Ici, la hiérarchie raciste prend sens à travers des inégalités économiques entre les blancs et les banlieusards. Le racisme ne se révèle pas ici par son aspect injurieux mais est en un premier temps une domination économique. Le fait que Sir Doum's contextualise son vol ainsi, laisse comprendre que ce vol est une manière de rétablir un équilibre, cela peut nous rappeler les paroles d'Ali dans l'Intro : "Homme noir, on est venu récupérer notre dû". Ainsi, ce couplet de Sir Doum's peut permettre de défendre cette idée : il est normal de rétablir l'équilibre économique en passant par des moyens illicites. Ce qui parait être bien la philosophie de Lunatic depuis le crime paie.


On retrouve ainsi, plus qu'une simple référence au crime, une possible explication historique et économique de son apparition. Historiquement, quand Booba rappelle dans l'intro qu'à l'origine ils étaient rois, et qu'Ali dit "homme noir on est venu récupérer notre du". Economiquement quand cette histoire coloniale devient une réalité économique actuelle, c'est à dire, quand ici, l'esclavage et les colonies mènent à leurs évolutions : les cités hlm où il n'y a pas de blé à côté des blancs qui ont les sous.
En résumé : la pauvreté des banlieusards étant une réalité économique résultant d'une histoire injuste et raciste, il parait juste de rétablir l'équilibre par tous les moyens possibles. C'est ce que Sir Doum's applique dans son couplet et explique de la plus belle des manières.


Mais ce n'est pas un argumentaire, cela reste de l'art et ça rend ceci encore plus puissant car, plus que prôner une idéologie, elle prône un mode de vie, une action. Booba est combattif, c'est un acteur, et l'action privilégiée du rebelle noir parait être pour Booba et Sir Doum's, la criminalité économique. La criminalité économique comme mode de vie digne, rentable, juste et combattif afin d'éviter la pauvreté ou les lamentations "pas b'soin d'tes larmes ou est le drame" dans Pas l'temps pour les regrets. Être noir et fier pour Booba, cela implique de passer par l'illicite afin de s'en sortir et de récupérer son dû, afin de se faire justice. Naturellement, ils proposent un mode de vie politique et révolutionnaire, Ali finit d'ailleurs le morceau par une référence à la révolution : "Entretiens l'endurance et le cran pour l’insurrection. Préserve la paix pour la résurrection"


II/ La police et la dignité.


La deuxième réflexion intéressante que propose ce morceau concerne le thème de la police :
"Chante pour que les porcs rampent"
"J'suis un d'ces sales types, fuyant les flics"
Lunatic fut même censuré pour sa haine des flics avec le morceau si tu kiffes pas qui fut interdit de diffusion par skyrock pour ceci : "j'aime voir des crs morts"
Ce morceau de Sir Doum's, apporte des éléments d'explication de cette haine du flic. Celle-ci ne se réduit pas à une envie de faire street ou à une haine gratuite. Le policier est premièrement le protecteur de l'or bourgeois, le criminel et lui sont donc forcements ennemis : "taille avant qu'les flics se mettent à débouler".


Mais, plus encore, le policier exerce une domination, une violence et des humiliations :
"Ils kiffent quand à 6 heures ils m'captent au pieu en çon-cale ou en slip
S'emparent de mon shit, sont quatre pour m'mettre les menottes dans l'dos
Pendant qu'mon père fait l'odo"
Les policiers ne font pas simplement leurs métiers : "ils kiffent". Et, ce qu'ils kiffent faire, parait bien être une humiliation. Sir Doum's insiste sur deux éléments de l'ordre de l'intimité : le slip et le père qui prie, c'est cette intimité que le policier kiffe violer et c'est cela qui provoque la haine, bien plus finalement que la bataille naturelle entre le bandit et le shérif.


D'ailleurs Lunatic évoque rarement les violences policières mais bien plus les humiliations policières. Dans le morceau Le silence n'est pas un oubli Ali s'exprime ainsi : "Menottes argentées sur peaux d'or. Que la BAC tâte sans pudeur". Booba, dix ans après dira dans Les derniers seront les premiers : "Le rejet, le mépris des colonies, c'est ce que l'on vit". Ce n'est pas de violence qu'il parle mais bien d'attaque à la dignité. Ainsi Doum's, en évoquant l'attaque à l'intime de la police, s'inscrit dans les idées de Lunatic sur celle-ci et nous permet donc de comprendre cette envie de voir ramper les agents qui essayent de nier l'humanité des banlieusards.


Sur cette humiliation s'attaquant à l'intime, elle s'exerce toujours, on peut évoquer les deux agents de la bac qui se sont amusés à donner des coups dans les couilles de ce médiateur de ville noir à Gennevilliers : https://www.bondyblog.fr/societe/police-justice/brutalise-par-la-bac-a-gennevilliers-boubacar-noublie-rien/. Sinon, le film les misérables de Ladj Ly décrit des situations qui permettent de comprendre le caractère violent et humiliant de la perquisition vis-à-vis de la famille ou vis-à-vis de l'intimité.


Ce morceau nous permet d'apprendre plusieurs choses :
1/ L'attirance de Lunatic pour le crime n'est pas qu'un cliché de la rue, c'est surtout une réponse de classe et donc une réponse politique. Celle-ci se fonde sur des faits historiques (colonisation) et sur un vécu moral (dignité touchée) et économique (pauvreté).
2/ La haine de la police, elle aussi est fondée, non pas uniquement par vengeance aux seuls violences policières mais aussi pour rétablir une dignité que la police s'emploie à attaquer. Les références de Doum's à l'intimité menacée par la police sont en pleine cohérence avec les autres paroles de Booba et Ali.
On comprend mieux ainsi l'attrait pour la violence de ce groupe et donc la nécessité de faire un "effort" pour être pacifique. La paix est loin d'être la première chose qui nous viennent à l'esprit face à ce monde.

rorolili
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Créée

le 6 déc. 2019

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rorolili

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