Par principe, je ne met jamais une note inférieure à 5 dans mes critiques. Pour la simple et bonne raison que le travail reste un travail de professionnel et qu'il faut une certaine dose de talent et de travail pour le réaliser, je n'ai pas la prétention de pouvoir faire aussi bien. Je dis cela car les arguments que je vais développer sur ce titre sera peut-être trompeur par rapport à la note.


Après la critique des principaux succès de France Gall, il fallait que je continue avec le mythique, le fondateur "Ne sois pas si bête", 1er hit d'une longue carrière souvent au sommet des charts. Enregistré à l'été 1963 alors qu'elle était sur le point de redoubler sa seconde, le titre se veut un prélude à la discographie que son père, Robert Gall (parolier de Charles Aznavour et d'Edith Piaf, rien que ça) veut lui imposer. Ayant repéré le potentiel pour la chanson de sa fille quelques années avant lorsqu'elle formait un mini-groupe avec ses frères et disposant d'un carnet d'adresse extrêmement touffu dans le métier, il pistonna sa fille auprès des studios Phillips, totalement tombé en désuétude aujourd'hui mais qui était "the place to sing" à l'époque. France Gall le dit elle-même, elle est arrivé dans cette profession tout à fait par hasard, et l'alignement des planètes avec son contexte scolaire n'a pas dû la faire hésiter bien longtemps.


On dit souvent que c'est Gainsbourg qui s'est servi de la fille Gall comme une poupée corvéable à merci, mais c'est bien plus vrai de son père et de ses amis paroliers qui lui écrivaient toujours les mêmes chansons. Une jeune fille doit savoir se tenir, résister à l'appel des garçons, ne pas trop l'ouvrir, et parler d'amour. Rajouter à ça un joli minois, une allure de femme-enfant (France Gall à 16 ans était pas loin d'en faire 13) et un sourire arboré pendant l'intégralité de la prestation et vous avez la recette pour plaire au public, et d'abord aux vieux producteurs qui devaient se dire que si c'était légal, ils aimeraient bien la côtoyer plus intimement. Et "Ne sois pas si bête" combine tous ces éléments à la perfection.
Si l'on peut saluer la mélodie pas désagréable du tout, un air de fanfare d'une fête d'un certain goût, pas la fête du village, et la structure de celle-ci, originale, il y a quelques points assez dérangeants.


Tout d'abord, on sent que mai 68 et la libération de la femme et de l'adolescent n'est pas encore dans les tuyaux. Tu es une adolescente, donc par définition tout ce qui t'intéresse c'est les amourettes, les loisirs, les garçons, encore les loisirs, et une dose d'amourettes. L'adolescent est idiot de base, mais si c'est une fille, c'est encore pire. Si quelques limités de l'esprit continue de penser cela aujourd'hui, ce n'est plus du tout à la mode, contrairement à l'époque de France Gall. Le sujet de la chanson, un adolescent qui nargue les filles et joue avec leur coeur avant lui de tomber amoureux et donc, de se faire dominer par la fille. Vieux reliquat réactionnaire et simpliste des relations homme-femme où l'homme est en réalité à la merci de la femme dans les relations amoureuses (c'est pas comme si toutes les études prouvaient le contraire mais bon), France Gall entonne cette musique avec la maitrise de ses mimiques, de ses sourires, et se dandine de façon pas trop forte pour ne pas heurter le puritain de l'époque. Tout est contrôlé dans cette chanson, jusqu'à l'absurde, alors que le support mélodique incitait plutôt à un lâcher-prise.


Surtout que la chanson, en plus de son potentiel, est finalement assez agréable à écouter. On regrette encore une fois l'obsession à faire monter France Gall dans les aigus alors qu'elle a une très belle voix de tête. Je ne sais pas quoi ajouter de plus, ces paroles, on dirait du Jenifer dans les années 60 au début de sa carrière. Je me félicite néanmoins qu'à notre époque, les producteurs de ce genre n'ont soit plus leur place soit sont marginalisés. Je placerai un dernier mot sur l'hypocrisie puritaine, il est problématique qu'une adolescente ait des connaissances sur la sexualité et l'amour mais qu'un vieux croûton qui ne bande même plus en parle à longueur de journée, alors ça non monsieur, ne vous permettez pas. Vive Gainsbourg et vive les années 70 surtout...

LinusVanPelt
6
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le 23 juin 2021

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