Après avoir écouté péniblement ces 8 minutes et quelques de morceau, je ne peux m’empêcher d’en toucher deux trois mots à ceux qui ont l’occasion de lire ces lignes.
Clairement, je n’apprécie pas Requiem. Pourquoi ? Parce que c’est à mon sens du mauvais rap, tant par les paroles, que par l’articulation et le rythme, par lesquels je vais commencer ma critique.
Tout d’abord Lino ne rappe pas de façon harmonieuse avec l’accompagnement au synthé (qui est utilisé façon orgue en cohérence avec le titre). On pourrait penser que c’est travaillé sauf qu’il n’y a pas de rythme au débit de parole. Dans un film on peut se permettre de laisser un peu d’anarchie dans la bande son, dans un morceau, que reste-t-il derrière ? Etant donné les bruitages insérés dans la piste (bruits de flingue, etc…) on peut comprendre ce choix, mais ça rend le son bien dégueu il n’y a pas à dire. Ajouté au fait que Lino crache ses mots (et en articule certain pour en déformer d’autres en conséquence), le morceau n’a rien pour lui de ce côté-là (autant écouter une pelleteuse c’est plus agréable).
Ensuite, on peut s’effarer de la forme par laquelle l’auteur présente ses idées. On a droit à des armes en permanence pour vanter les mots de l’auteur, qui sont perforants comme des flingues à ses yeux (et en effet pour les tympans à mon sens), idée déjà vue, vue, et re-revue. Du coup vas-y que je te sors du champ lexical des armes à feu, et que je te conforte tous les clichés du vilain rappeur. Quoi ça suffit pas ? Qu’est-ce qu’il reste comme poncif après les flingues et les mots seules armes des milieux défavorisés ? L’égo, les insultes, dénoncer les méchants riches, l’alcool, la drogue ? Attendez ça vient !
1) Ton estime de toi tu travailleras
J'fais pas d'R.O.M.A.N, j'écris, je largue tout Rappe sur l'orgue,
j'm'amène, j'vais boucler la boucle Mes chansons craquent, j'assure
l'ordre
Un youtuber connu aurait crié ECHEC DE RIIIIIIIIIIIIME. Bon on passe sur la mégalomanie.
J'parle français, comme une six cent coups slave Même sans drogue,
j'plane au-dessus du lot, j'suis un mystère
J’crochète la serrure des tabous d’un crochet
(on remarquera à quel point cette répétition est conne)
Le débat est clos, j'rappe loin d'ces merdes qui font l'buzz
(tu l’as jamais fait le buzz en crachant ta haine peut être)
J'épouse le rythme, kick, j'suis comme un mafieux en Toscane
Sauf que t’es pas mafieux, pas italien, et que la mafia n’est pas vraiment un exemple en soi.
Pas avare de mots, j'ai jamais su finir mes textes à seize J'écris des
titres trop bavards, comme si j'avais peur d'pas en dire assez
(Pour notre grand plaisir)
2) Ton armurerie tu abandonneras
j'arrive, une balle se loge
et l'arme tout près, j'ai tué l'horloge
Ma vie, mon dos : des coups d'schlass
J'parle français, comme une six cent coups slave Moi, j'reste un
franc-tireur, vu qu'les balles ne mentent pas
>
J'identifie l'mal, j'ai l'armement, j'm'applique, parfois j'lâche le
manche
(ne pas faire une blague sexuelle, ne pas faire une blague sexuelle, ne pas…)
J'arrive, j'ai un AK-47 pendant une bataille d'oreiller
(ok en fait il s’assume)
3) Ta vision de la société tu aborderas avec maturité
Les porcs polluent la prose, billets violets, pouvoir et gros seins
Tous les rappeurs qui font des musiques pourraves ne sont pas pleins aux as, et le concept de marchandisation de la femme merci…
j'ai la même Dalle qu'avant l'crash ; sur l'or, ils veulent rouler
Oui les gens qui vendent des albums ont tendance à vouloir se faire du pognon avec.
Quand les modèles d'nos gosses deviennent des implants mammaires et
des gros culs Et j'les entends essayer d'miauler comme Drake Espérant
violer les ventes de disques, autant braquer une banque grecque
Il parlerait encore des mauvais rappeur, les ventes de disques foirées au-delà d’un tube, ça aurait eu du sens. Là pas.
Si leur monde est pas amoché, c'est qu'on est tous lâches
Ou alors on agit pacifiquement. Il a loupé l'étape Gandhi à ce qu'il semblerait.
4) Le respect tu apprendras
J'couche la morale, hochez la tête
Mais oui on t’aime.
Maintenant, j'prends la vie à quatre pattes, comme femelle lévrier
(tu fais ce que tu veux mon gars, mais la période de la marche chez l’homme c’est à un peu moins d’un an, et en principe la zoophilie est punie par la loi :D)
J'écris des fresques, c'est du Van Gogh, négro, prête l'oreille
>
et Bambi s'est pris un coup d'pare-choc
Sérieusement, tu t’en prends à Bambi là ? Mais qu'est-ce que ça a à voir ? En plus la mère de bambi elle est tuée par un chasseur, pas par une kangoo ! Logique, à l'aide ! Et après ca nous sort :
Ces cons ont déposé une bombe dans mon jardin d'enfants
>
J'rappe, j'gerbe, j'crache le fruit d'mes entrailles
Je vous parlais de pelleteuse…
En live de la jungle, j'écris un autre chapitre du livre à Moogli
De Mooglie* Rappelons que le mec ne maîtrise pas le français à 40 ans et quelques, et sort de fausses rimes, mais clame tout haut :
Des micros sans couilles, slamment, kickent des rimes fauchées
>
C'est l'voyou qu'on adule, j'grandis, j'ai des idées toutes faîtes
C'est quoi la vie après la mort ? Qui c'est qui fourre la
Schtroumpfette ?
Ok ça c’était drôle. :p
5) La violence tu mépriseras
Approchez, j'cogne, le sang coule, j'lave mon honneur
J'frappe sans break, c'est l'heure d'l'addition, les perdants raquent
6) Ton homophobie tu calmeras
Et, depuis, Jeanne veut devenir Serge, Olive baise avec Tom
7) Tes envies autobiographiques tu tairas
Quatre-vingt quinze, Val d'Oise, Partie Nord J'ai grandi au sixième
chaudron, la Cerisaie, j'comprends les négros d'Baltimore
J'ai compris l'sens du verbe "exister", à genoux sur la tombe de mon
père
8) L'alcool et la drogue tu consommeras sans en faire l'apologie ou le descriptif pour autant
Même sans drogue, j'plane au-dessus du lot
Toujours pas à jeun sous Jack, j'ai pris d'la bouteille, j'suis
repeint
La rue, c'est comme chez Ronald : c'est plein d'coke et d'gros macs
Gamberge, tu deviens adulte entre quatre murs, du shit dans l'rectum
9) Ta crédibilité tu peaufineras
C'est p't-être ma dernière apparition, j'ai jamais rêvé d'carrière
dans l'rap
https://www.youtube.com/watch?v=YvB5UVO3qgQ#t=4m46 (jusqu’à 5 :06)
Non mais sérieusement le mec c’est son troisième album en solo, il a déjà joué dans trois groupes facile, comment il peut soutenir cette théorie ?! Si c’est pas se foutre de la gueule du monde.
Bon je vais m'arrêter là dans les citations à thèmes, mais j'ai rarement vu un tel concentré de clichés. Certains remarqueront que j'ai parlé de la forme, et délaissé le fond. Eh bien il y a une raison à cela : la "chanson" n'a aucune ligne directrice. Lino balancera tout au long du morceau des références culturelles random : vas-y que je te parle de la colonisation, de Strauss Kahn, de Rocky, de Fight Club (je hais ce film, m’enfin il devait être à court de mots pour parler violence alors un titre ça peut être utile à caser),…le tout sans aucune cohérence. Pas d'histoire, pas de leçon, juste une suite de remarques et de pseudo expériences de vie. Lesdites remarques ne sont pas forcément inintéressantes, mais absolument pas développées. Si on devait découper les paroles en blocs, ça donnerait "mes mots sont des armes" "yolo j'assure" "le rap c'est devenu de la merde" "petit interlude sur le mariage pour tous" "re-yolo j'assure" "re-le rap c'est devenu de la merde + bonus la société est pourrie" "biographie" "on reprends sur la société".
Alors il n’y a pas que du mauvais dans cette musique, l’auteur a visiblement une culture en béton et un talent pour faire des références, il y a du texte, certaines idées sont sympas (d’ailleurs il donne plus dans le texte que dans une musique en soi --> "J'fais du dressage d'instru, c'est dans l'curriculum"). Par exemple quand il clame "Dis aux petits frères qu'notre histoire commence pas par la traite
négrière", ça soulève un problème de formatage de l’éducation en France, quelque chose de bien ! Idem en disant "Dis-leur qu'mon cœur a cessé d'battre un quatorze février" et "Dis au Père Noël de descendre dans nos blocks s'il a des couilles" il montre le caractère commercial et hypocrite des fêtes. Mais le problème avec Requiem, c’est que c’est un flot continu de remarques tantôt engagées, tantôt insultantes, tantôt ridicules, et c’en est plus anarchique que le débit de parole. Mettre des œufs, de la pâte et du fromage râpé dans un sachet avec écrit « crêpe » dessus ça n’en fera pas quelque chose de comestible.