(L'entrée ne correspond pas vraiment puis qu'ici c'est l'album et non pas l'extrait, mais ça fera tout de même l'affaire...)
Staffan Harde – Staffan Harde – (1972)
Un album qui s’est perdu dans l’histoire de la musique, jusqu’à ce que Mats Gustafsson en entende parler, et parte en quête, avant de vouloir le ressusciter, grâce au label Corbett vs. Dempsey en l’année deux mille quinze. On connaît le goût de Gustafsson pour les trésors oubliés, les disques rares et le désir constant de redonner vie aux albums maudits. Il est connu pour donner des concerts en échange desquels il se fait rémunérer par un album rare, ou bien un qu’il recherche, c’est un collectionneur invétéré.
Le destin de Staffan Harde, guitariste de jazz suédois, ne pouvait le laisser indifférent. Disons-le simplement, ce dernier est probablement un génie incompris, qui sera même surpris que la reconnaissance ne vienne pas à lui, tellement elle lui paraissait évidente, mais les chemins vers la célébrité sont tortueux et s’il est une chose qui est sûre, aujourd’hui comme autrefois, c’est que le talent ne pèse souvent pour presque rien dans cette affaire…
Staffan Harde est né en mille neuf cent trente-huit et décédé en deux mille quatre, il passera la plus grande partie de sa vie sur la petite île de Smogen où les activités sont centrées autour de la pêche, le pôle qui permet à chacun de vivre, ainsi qu’au boulanger, car chacun sait qu’au centre d’un village se trouve, pas loin de la mairie, une boulangerie.
C’est en soixante-douze qu’il sort cet album, son album unique, qui, on le sait maintenant, fera flop. Pourtant ça n’aurait pas dû, car de son côté, il a fait le boulot. Il s’est plongé longtemps dans la musique de Schönberg, l’a étudiée, décortiqué sa structure afin d’en percer les mystères. Ceci fait, le dodécaphonisme et l’atonalité n’avaient plus de secret pour lui.
Mais ce qu’il aime par-dessus tout c’est le jazz, et il va bâtir une drôle de musique, puissante, unique, encore jamais jouée. Il s’entoure de Lars-Urban Helje à la basse, Bengt Berger à la batterie et aux percus et de Lars Sjösten au piano. Mais il y a quelques pièces où il joue seul.
Car l’album est un condensé de plusieurs phases d’enregistrements, pas toutes égales pour la qualité de la prise de son, bien que ça ne soit jamais gênant, malgré que ça s’entende : Certaines pièces sont en effet enregistrées à la maison et d’autres aux studios de Göteborg.
Il y a également une pièce un peu différente des autres, « Substance II » qui prend ses racines dans le folk local, les comptines, il les transforme en les moulinant à l’atonalité, c’est très stimulant ! Il serait vain de tenter de décrire tout ce qui se passe ici, le mieux c’est d’y goûter, les quarante minutes passent vite et, forcément, étonnent encore par leur modernité.
Staffan Harde laisse derrière lui pleins de regrets et beaucoup imaginent ce qui aurait pu se passer s’il avait connu le succès, car le talent que l’on entend ici est plein de belles promesses. Il ne déposa jamais la guitare et continua à jouer pour lui et les curieux de passage, il est en vérité un guitariste exceptionnel.
Il vécut le reste de sa vie sur cette même petite île qu’il ne quitta jamais, aimé de tous et indispensable, celui chez qui on passe tous les jours, car il avait une autre passion qui fit de lui un personnage incontournable : il est devenu boulanger !